Jeudi 20 mai 1948.
127> Le Doux Hôte me dit :
La
leçon qui va du verset 14 au verset 25 (impuissance de la Loi dans la lutte
entre la chair et l'esprit) est une de celles que les maîtres spirituels
devraient toujours se répéter à eux-mêmes, et répéter aux pharisiens d'esprit
qui voient le grain de poussière dans l'œil des frères. Ils les condamnent
âprement, sans voir la poutre de l'anti-charité qui se trouve dans le leur, en train d'écraser leur esprit sous le poids de
l'égoïsme et de l'orgueil. Elle devrait être répétée aussi aux pauvres âmes
qui, après avoir succombé au péché, pleurent en craignant le Seigneur, Juge
de leur faiblesse. Ces âmes ont péché mais elles sont moins coupables que
celles des pharisiens. Elles regrettent leurs péchés et avouent être
pécheresses. L'humilité et le repentir sont déjà une absolution.
Ces douze versets sont une règle pour juger les hommes, et une mesure qui
vous fait comprendre la manière dont se fera le jugement de Dieu au sujet des
pécheurs repentis.
C'est Paul qui les a écrits. Paul,
pharisien, fils de pharisiens, disciple de Gamaliel, de ce Gamaliel qui était une vraie bibliothèque vivante
de toute la doctrine d'Israël. Au tout début, Paul persécutait avec férocité
ceux qu'il croyait des anathèmes. Par la suite, il est devenu un vase
d'élection et de justice, un apôtre parfait, un évangélisateur héroïque,
héroïque aussi dans la façon de réprimer son propre moi ancien.
128> Avec la partie supérieure de son
âme, il a été digne de monter au troisième ciel et d'y entendre les
mystérieuses paroles divines. Enfin, voilà un homme qui, à cause de l'intransigeance
qui caractérise la première période de sa vie, et à cause de l'héroïsme
démontré au cours de la deuxième époque de sa vie, pourrait facilement être
considéré comme un être qui a toujours été au-dessus des appétits de la chair.
Cependant s'il eût été tel, il n'aurait pas pu devenir "l'apôtre des
Gentils", c'est-à-dire de ceux que les mœurs licencieuses du paganisme
transformaient en brutes, un état inférieur à celui des hommes munis d'une
raison et d'une conscience. Tout le monde vivait d'une façon païenne, à
l'exception d'un petit nombre dont l'esprit était naturellement vertueux. Il
n'y a que Jésus, Homme-Dieu, pour comprendre les pécheurs sans être pécheur
lui-même. Pour tous les autres maîtres, le fait d'avoir cédé peu ou beaucoup
aux tentations du démon, du monde, ou de la chair, c'est un bien, si
douloureux soit-il. Le fait d'avoir connu ce que c'est que la force des
tentations, et constaté sa propre faiblesse, permet au maître spirituel
d'atteindre le niveau de sagesse qui le rend capable d'être maître et
médecin: et de diriger ses disciples et ses frères pécheurs.
Je veux que vous observiez attentivement le
critère employé par le Maître divin pour choisir les membres de son collège
apostolique et ses 72 disciples. Parmi les apôtres il n'y avait que Jean qui
était vierge. Des 72 disciples, tous sauf quelques-uns qui étaient presque
des enfants au moment de leur choix, avaient déjà mordu au fruit appétissant
qui ouvre la porte à toutes les autres faiblesses. C'étaient des hommes, rien
de plus. Des fils d'Adam. La concupiscence s'agitait dans leur corps comme un
serpent. La concupiscence de la chair était vivante même au sein des plus
justes parmi eux, c'est-à-dire de ceux qui avaient déjà dompté la
concupiscence de l'or et l'orgueil de la vie.
Personne n'était sans imperfections. Même Jean, qui était le séraphin des
disciples du Maître, n'était pas parfait. Il était porté à la colère, comme
son frère, et il s'est attiré le surnom de
"fils du tonnerre" de la part de Celui qui l'aimait.
129/130> L'apôtre de la Charité, parfait
dans son amour envers le Maître, est devenu apôtre de la charité en
contemplant la mansuétude, la charité, la miséricorde du divin Martyr, le
vendredi de Pâques, de l'aube jusqu'au soir. Devant la très-sainte nudité du
Roi des rois qui s'est dépouillé même de son immortalité divine pour
connaître la mort et sauver l'homme, Jean a déposé pour toujours l'habit de
la colère.
En parcourant la Terre, Jésus, qui était Dieu – il aurait pu le faire s'il
avait voulu le faire – aurait trouvé parmi les trois continents d'alors, 12
et 72 justes plus justes que les 12 et les 72 qu'il a choisis en Israël. Car Dieu
Créateur a mis (et continue de mettre) dans l'âme de chaque être humain un
don sublime, qui développe chez les meilleurs une vie de sainteté,
indépendamment de leur connaissance de la Divinité : ce don, c'est la loi
naturelle. Celui qui la respecte et la reconnaît comme émanant de l'Etre
suprême, de Dieu, ou de la plus haute divinité de sa religion, peut être
considéré comme étant un esprit uni au vrai Dieu, le Dieu Unique et Trine.
Donc, par sa simple volonté, le Roi de l'univers aurait pu appeler à lui,
depuis les trois continents, les 12 et les 72, de la même façon qu'il avait
déjà appelé vers lui les trois Mages par la voix des
astres. Cela lui aurait permis d'avoir à son service un Collège
de justes. Il ne l'a pas fait.
Il a pris des êtres très humains, une
matière à l'état brut, à l'état informe, avec bien des parties impures. Il
l'a façonnée. Pendant le processus de formation, Il a souffert à cause des
défections et des trahisons de certaines parties de cette matière. Mais au
moment de son Ascension, il a laissé une Église enseignante capable de le
continuer dans la rédemption du monde. Capable de le faire grâce à sa
doctrine, et grâce à l'exemple reçu directement de lui, le Verbe; grâce aussi
à l'aide de l'Esprit Saint, reçu une première fois de Jésus ressuscité, et une deuxième fois dans le même Cénacle, dix jours
après l'Ascension, par l'action directe de l'Esprit Saint selon la promesse
divine. Une Église capable de le continuer grâce à la
connaissance que chacun d'entre eux avait acquise de sa propre faiblesse
humaine et des luttes à soutenir pour se relever des chutes, et se former
dans la justice. Une Église capable d'agir en maîtresse, de comprendre, de
compatir, de soutenir, de guider ceux qui venaient au christianisme avec
toute leur faiblesse humaine, et avec toute leur faiblesse de païens, le
paganisme étant une doctrine de matérialité et de plaisirs effrénés. Il
fallait que les 12 soient remplis de l'Esprit Paraclet, et qu'ils puissent le
transmettre à leurs successeurs dans le ministère sacerdotal.
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