Le dimanche
5 janvier 1947.
335> Azarias
dit :
"Les
messes d'aujourd'hui, celle du dimanche du saint Nom de Jésus et celle de la
vigile de l'Epiphanie, sont le poème de l'obéissance, cette grande vertu qui,
après les trois vertus théologales, devrait
être aimée et suivie à la perfection. Elle est au contraire pratiquement
inobservée, ou tout au moins bien mal observée et encore moins aimée. C'est
pourtant l'un des pivots de l'Incréé et du Créé, une charnière indispensable
pour soutenir l'édifice de la sainteté. Contemplons-la ensemble, mon âme, et
tu verras qu'elle est une bonne chose partout où elle se trouve.
Examinons d'abord l'obéissance dans l'Incréé : le Verbe obéit au désir
du Père, toujours. Il ne se refuse jamais d'être celui par la Parole duquel
les volontés du Père s'accomplissent. Les parfaites obéissances se
connaissent dans le Verbe divin. Elles brillent, pour vous mortels, dès les
premiers mots de la Genèse:
"Dieu
dit : "Que la lumière soit"".
Aussitôt, le Verbe exprima le commandement que le Père avait pensé, et la
lumière fut. La lumière fut, et le Verbe prit chair auprès des hommes en se déclarant
plusieurs fois "Lumière". Il est qualifié de Lumière par la bouche
inspirée de l'apôtre Jean :
"Au commencement était le Verbe, et le Verbe avec vers Dieu, et le Verbe
était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Tout fut par lui, et rien de
ce qui fut, ne fut sans lui. En lui était la vie et la vie était la lumière
des hommes, et la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont
point comprise. Il y eut un homme, envoyé de Dieu ; son nom était Jean.
Il vint en témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous
crussent par lui. Il n'était pas la lumière mais il devait rendre témoignage
à la lumière. Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde,
illumine tout homme".
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336> Cette page séraphique du séraphique apôtre qui avait connu
Dieu, et non seulement l'Homme-Dieu, Sauveur et Maître, mais Dieu,
l'Inconnaissable, et en avait compris la nature... cette
page est vraiment un chant, le chant de la vérité sur la nature du Verbe, un
chant qui donne des ailes à l'âme de celui qui sait l'écouter, des ailes pour
monter contempler le Verbe qui s'est fait homme pour donner la vie et la
lumière aux hommes.
Le Verbe a voulu être caractérisé par ce nom : "Lumière". Il s'est
quasiment baptisé lui-même de ce nom qu'il prononça dans son premier acte
d'obéissance au Père : "Que la lumière soit !".
Le
Verbe a toujours obéi. Le Père lui dit : Tu seras homme, parce que toi
seul peut instruire l'humanité. Le Verbe dit :
"Je serai homme. Que ta volonté soit faite". Le Père dit :
"Tu mourras parce que seul ton sacrifice pourra racheter
l'humanité". Le Verbe dit : "Je mourrai. Que ta volonté soit
faite". Le Père dit : "Et tu mourras sur la croix parce que,
pour racheter le monde, le sacrifice de ta vie par les souffrances d'une mort
par maladie ne me suffit pas". Le Verbe dit : "Je
mourrai sur la croix. Que ta volonté soit faite".
Les siècles passèrent. Son heure venue, le Verbe s'incarna dans le sein de la
Vierge et naquit comme tous les enfants d'hommes. Il était tout petit,
faible, incapable de parler ni de marcher. Il grandit lentement comme tous
les fils des hommes, obéissant même en cela au Père qui le voulait soumis aux
lois communes pour le préserver des pièges de Satan et des hommes, veilleurs
féroces dans l'attente du Messie redouté, et pour prévenir les futures
objections des négateurs et des hérétiques sur la vraie humanité du Fils de
Dieu.
Il grandit en sagesse et en grâce, en obéissant. Il devint
homme et ouvrier, en obéissant, à Dieu le Père et à ses parents, Parvenu à sa
trentième année il devint le Maître pour instruire l'humanité, en obéissant.
Après trois années et trois mois, à l'heure
de mourir et de mourir sur la croix, il obéit en répétant : « Que
ta volonté soit faite".
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337> Obéir, tant que l'obéissance est seulement en pensée, c'est
encore facile. S'entendre dire : "Tu feras..." et répondre :
"Je le ferai", en ayant encore devant soi des années entre l'ordre
et son exécution – dans le cas du Christ, des siècles –, c'est encore facile.
Mais répéter : "Que ta volonté soit faite" lorsque la Victime
a déjà sous les yeux tous les instruments de la Passion et que c'est l'heure
de les embrasser pour accomplir la volonté de Dieu, c'est
beaucoup plus difficile. Tout répugne à la créature humaine : la
souffrance, les offenses, la mort. Dans le cas du Christ, il y avait en plus
le poids des péchés des hommes qui s'amoncelaient sur lui, Rédempteur au
seuil de la rédemption. Mais Jésus obéit en disant : « Que ta
volonté soit faite », et il mourut sur la croix après avoir tout
souffert et consommé. Voilà l'obéissance dans l'Incréé.
Examinons
maintenant l'obéissance dans le Créé. Les éléments, qui étaient confus dans
le chaos, obéirent en s'ordonnant. Ici souviens-toi des mots de la Genèse, afin qu'il
ne soit pas dit que le porte-parole entend mal : « Dieu créa le
ciel et le terre. Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient
l'abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux. Dieu dit : "Que
la lumière soit". » L'air, l'eau, le feu, la lumière étaient donc
créés, mais ils n'étaient pas séparés ni ordonnés. Dieu leur ordonna de se
séparer et de se mettre en ordre, selon la loi qu'il leur donnait. Ils
obéirent, et ils obéissent depuis des milliers d'années, faisant le jour et
la nuit, les mers et les terres, et le feu agissant dans les veines du globe
pour préparer les minéraux dont l'homme a besoin.
Obéissance dans le Créé : après avoir fait le ciel, c'est-à-dire les
strates de l'atmosphère, Dieu les parsema d'astres en leur ordonnant de
suivre un certain chemin immuable, et les astres obéirent. Dieu, après avoir
fait la terre, c'est-à-dire après avoir rendu la matière compacte et
ordonnée, elle qui était auparavant une confusion éparse de poussières et
d'eaux, créa les plantes et les animaux de la terre et des eaux en leur
ordonnant d'être féconds et de se multiplier. Ils obéirent.
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338> Puis
vint l'homme, la créature-reine de la création, à qui Dieu donna également
ordre d'obéissance. L'obéissance de l'homme aurait maintenu la terre en
l'état de paradis terrestre dans lequel la mort, la faim, les guerres, les
malheurs, les maladies, les fatigues auraient été ignorées. La vie de l'homme
aurait été un joyeux séjour de paix et d'amour dans l'amitié de Dieu jusqu'à
son passage à la demeure céleste, qui se serait produit de la même façon que
pour la très sainte Vierge Marie qui ne mourut point, mais qui s'endormit dans le Seigneur et se réveilla sur son sein,
belle et glorifiée avec son esprit parfait et sa chair sans faute.
Satan n'a pas voulu que l'homme connaisse cette joie, joie de peu
inférieure à celle des anges, joie à
laquelle était associée, pour compenser cette différence entre les anges et
les hommes, celle d'enfanter sans concupiscence, qui est toujours
douloureuse, et sans douleur puisque celle-ci est le fruit de la
concupiscence. Suivant
le désir de Lucifer, l'homme a désobéi, se causant ainsi à lui-même et à ses
descendants toutes les conséquences de la désobéissance qui jamais n'est
bonne et détruit toujours.
Depuis
ce moment où l'esprit de l'homme s'est pollué par la désobéissance,
caractéristique de Satan, il ne reste plus que les amoureux de Dieu à savoir
obéir, et se sanctifier en s'appuyant sur ce pivot qu'est l'esprit
d'obéissance.
L'obéissance, qui semble inférieure aux trois vertus théologales, pour la
seule raison qu'elle n'est pas même nommée parmi les quatre vertus cardinales, est en
réalité présente en chacune d'elles, dont elle est indissociable. Elle est
comme le soutènement sur lequel toutes les vertus prennent appui pour croître
en vous.
Médite là-dessus. Comment pouvez-vous avoir la foi ? En obéissant à Dieu
qui vous dit et vous propose de croire ses vérités et ses mystères, et en
obéissant à ce que vous dit l'Eglise, qui est la Voix des voix de Dieu.
Comment pouvez-vous avoir l'espérance ? Là aussi en obéissant à Dieu qui
vous inspire cette vertu en vous disant que vous devez espérer en lui qui
vous procurera ses secours et sa miséricorde pour parvenir à la vie éternelle
et à sa possession. Comment pouvez-vous avoir la charité ? En obéissant au
précepte de l'amour envers Dieu et envers le prochain.
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339> Comment pouvez-vous obtenir la prudence ? En obéissant aux
préceptes et conseils de Dieu qui ont pour but de diriger toutes les actions
de l'homme vers sa juste fin.
Et la justice ? En obéissant à la Loi de la morale surnaturelle qui vous
enseigne de ne pas faire aux autres ce que vous ne voudriez pas que l'on vous
fasse.
Et la force ? En obéissant héroïquement à Dieu que vous savez être plus
grand que toute chose créée, et pour lequel vous devez être disposés à tout
souffrir pour rester fidèles et le posséder pour l'éternité. En obéissant
héroïquement avec sa promesse dans le cœur : "Je serai avec vous
aux heures d'épreuves". C'est ce
que promettent toutes les paroles de vérité dont il faut comprendre l'esprit.
Agir, et ne pas craindre. Dieu est avec ceux qui obéissent à sa volonté. Les
persécuteurs restent ici-bas. Ils ne vous rejoignent pas au-delà de la vie,
vous qui obéissez à Dieu. Un jour viendra où ils vous reverront et seront
dans la stupeur de vous voir au nombre des bénis.
Comment pouvez-vous obtenir la tempérance ? Encore par l'obéissance aux
saintes interdictions de Dieu, et aux limites qui vous sont mises pour user
sans danger des choses temporelles en vue de votre salut.
Vous voyez que l'obéissance, vertu dont on ne parle guère, est présente en
toutes les vertus. En toutes.
Maintenant
que nous avons fait l'éloge de l'obéissance, méditons la messe du Nom de
Jésus.
Jésus obéit même dans le fait d'assumer le nom que le Père a voulu qu'il
porte. Les hommes n'objectent-ils pas : « Bien sûr, il a pris ce
nom, étant donné qu'il était le Sauveur ! » Ils
diront peut-être aussi : « Déjà les prophètes l'avaient appelé
Sauveur ». Les hommes veulent toujours diminuer l'héroïcité des vertus
des saints, et donc également la parfaite héroïcité du Saint des
saints : Jésus, Fils de Dieu et de Marie.
Bien des noms de la langue d'Israël auraient pu servir pour signifier qui
était le fils de Marie. Il pouvait s'appeler Elisée,
Joab, Jonathan, Malachie, Matthias et Mattathias, Zachée et Zébédée,
Nathanaël et Urie, et même Joachim, parce que le Seigneur Dieu a élevé son
Verbe sur la croix, et sur le monde, et sur toute créature. Il y avait les
noms utilisés par les prophètes, sous l'impulsion de l'Esprit Saint, pour
indiquer le Verbe incarné.
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340> C'est pourquoi il ne faut pas dire qu'il ne devait prendre que ce
nom. Il l'a pris parce que son Père le voulait. Et Marie et Joseph, héros de
l'obéissance eux aussi, donnèrent ce nom au nouveau-né parce que c'est ainsi
que « l'ange l'avait appelé avant même qu'il ne soit conçu dans le sein
maternel ».
Je
t'ai déjà expliqué ce que signifie « Jésus », et de
façon plus ample que l'interprétation communément fournie par les savants.
Mais, à la puissance, à la justice de ce nom, tu peux maintenant unir la
connaissance de cette vertu, qu'il cache : la sainte obéissance voulue
pour fidèle compagne dans les grandes et les petites choses, même dans le
fait de prendre le nom qui sera éternellement porté par le Dieu-Homme, ce nom
devant lequel doit plier tout genou sur terre, au ciel
et aux enfers, toute langue devant proclamer que le Seigneur Jésus Christ se
trouve dans la gloire du Père. Ce nom est plus admirable que tout autre nom
porté par une créature. Il opère des miracles et libère des démons par le
seul fait de le prononcer, parce qu'il est le puissant nom du Tout-Puissant.
Tu as bien souvent fait l'expérience de la vérité et de la mesure de sa
puissance, comme du
nombre de miracles produits par la simple présence de ce nom parmi vous !
Dire « Jésus », c'est déjà dire une prière, une supplication que le
Père des cieux ne repousse jamais. Dire « Jésus », c'est vaincre
les forces adverses, quelles qu'elles soient. Satan et ses noirs ministres ne
peuvent garder leur proie si elle crie « Jésus ! ».
Louons ensemble ce nom, et louons Jésus parce que nous le disons et voulons
qu'il règne dans les maisons pour rétablir la paix et la joie, l'ordre et
l'amour, là où Lucifer a fait ses ravages. Le Prince des Apôtres le dit bien,
lui qui est désormais véritable apôtre et maître par le baptême reçu à la
Pentecôte : « Sachez-le donc, vous tous et tout le peuple d'Israël,
c'est par le nom de Jésus Christ, le Nazaréen... que cet homme se trouve là,
devant vous, guéri... Il n'y a aucun
salut ailleurs qu'en lui : car il n'y a sous le ciel aucun autre nom
offert aux hommes qui soit nécessaire à notre salut »."
Le nom de celui qui fut obéissant jusqu'à la mort, et la mort sur la croix, est le nom
victorieux de tout, toujours. Tu as vu aujourd’hui encore comment, en vertu
de l'amour et du nom de Jésus, celui que tu sais est guéri devant ceux qui le savaient malade. Le voici
délivré. Que le nom du Christ tienne loin de lui les retours offensifs du Mal
qui hait ceux qui veulent vivre selon la Loi de Dieu.
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341> Il les
hait, comme il a haï Marie et Joseph, en excitant tout ce qui pouvait leur
nuire et les faire souffrir parce qu'ils étaient obéissants au Seigneur. Il
hait, comme il a haï les trois Mages, au point de tout faire pour que leur
hommage se change en préjudice pour l'Enfant divin et pour
eux-mêmes, qui étaient recherchés par Hérode, déçu et irrité parce qu'ils
l'avaient fui. Eux aussi étaient obéissants. Ils ont obéi aux voix d'en haut,
toujours, aussi bien quand ces voix disaient : « Partez adorer le
roi des Juifs qui va naître », que quand elles disaient : « Ne
retournez pas voir Hérode ». Ils ont obéi et ils ont mérité de plier le
genou, prémices de tous les peuples, devant le Christ, devant le Fils de Dieu
et de Marie : Jésus.
La
vie du Christ, de ses parents comme de ses amis, est toute obéissance. La
voie du Seigneur est pavée d'obéissance : il l'a empruntée avec sa Mère
et Joseph, dès les premiers instants de sa vie terrestre. Même alors qu'il
n'était qu'un bébé, ceux qui par la volonté divine représentaient Dieu pour
lui et auprès de lui, son père putatif et la Vierge, sa Mère, l'ont porté sur
cette voie. Si la Mère savait, par la grâce dont elle était remplie, qu'il
n'était pas nécessaire d'enseigner à l'Enfant les voies de la justice, le
juste Joseph ne connaissait pas tous les mystères que Marie conservait en son
cœur
(rappelle-toi ici l'explication reçue dans le livre de l'Enfance de Notre
Seigneur Jésus). Il
voulut donc enseigner à l'Enfant, dès les premières lueurs de l'intelligence,
qu'on se doit d'obéir aux ordres de Dieu, même si ces ordres signifient exil,
extrême pauvreté ou souffrance. Et Marie, en épouse humble et prudente,
seconda son époux, se faisant semblable à lui auprès (le l'Enfant qui, pour
détourner Satan, fut traité comme tout autre petit enfant d'homme.
Quelle
profondeur de vertu en ces mots dits après ceux inhérents à l'obéissance du
nom à donner à l'Enfant ! « Joseph se leva, prit avec lui l'enfant et sa
mère, de nuit, et se retira en Égypte… » et
ces autres : « Joseph se leva, prit avec lui l'enfant et sa mère, et
il entra dans la terre d'Israël... et, divinement averti en songe, il se
retira dans la région de Galilée ».
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342> Son obéissance est prompte et absolue, elle ne discute pas, au
point de ne pas même attendre le matin pour l'exécuter. Et ce, non seulement
la première fois où le retard d'une heure pouvait entraîner la mort de
l'Enfant, mais même la seconde fois, alors que le départ de la ville
hospitalière était moins urgent et impliquait une nouvelle fois la perte de
ses clients, de ses outils et de ce minimum acquis par son travail. Joseph
ignorait ce qu'il allait trouver en retournant dans sa patrie. Mais il part,
parce que Dieu le veut, et il va où Dieu le veut.
Une seule fois, Joseph avait douté, et d'une créature. Mais
jamais de Dieu. Maintenant, après avoir progressé dans la vertu par la
proximité de Marie, il ne douterait plus, il ne doute pas, pas même des
créatures, bien au contraire. Il accepte tout. Il se dit à lui-même :
« Ma confiance est dans le Très-Haut. Il connaît le cœur des hommes et
me sauvera des pièges des menteurs et des impies ». Pour ce qui est des
voix du ciel, il n'a jamais douté, il ne doute pas. Et il part.
Imitez l'obéissance des élus et des êtres de prédilection qui ressort de
façon éclatante dans les deux messes d'aujourd'hui et de la fête de demain. Qui sait obéir régnera. Car si Dieu est
amour, l'obéissance est signe de la filiation de Dieu.
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