Le mardi 2 juillet
1946.
157> 453.1 – Jésus
entre à Hippos dans une claire matinée. Il doit avoir passé la nuit dans la
maison de campagne d'un habitant de la ville, venu pour l'entendre, pour
entrer dans la ville dans les premières heures du matin d'un bruyant jour de
marché. Beaucoup de gens d'Hippos sont avec Lui et beaucoup d'autres d'Hippos
accourent à sa rencontre, avisés qu'ils sont que le Rabbi est arrivé. Mais il
n'y a pas que les habitants d'Hippos autour de Jésus. Ceux de la bourgade sur
le lac sont présents aussi. Il manque seulement quelques femmes qui, à cause
de leur état physique ou parce qu'elles ont des enfants trop petits, n'ont
pas pu s'éloigner trop de leurs maisons.
La ville, légèrement au-dessus du niveau du lac, s'étend sur les premières
ondulations du haut plateau qui se trouve au-delà du lac et qui monte vers
l'orient pour rejoindre au sud-est les monts de l'Auranitide et au nord-est
le groupe montagneux où trône le grand Hermon. Elle se présente bien, avec
ses riches maisons de commerce et ses propriétés, et elle est importante
comme nœud de routes et centre de nombreuses régions d'au-delà du lac, comme
l'indiquent les bornes routières qui portent les noms de Gamla, Gadara,
Pella, Arbel, Bosra, Guerguesa et d'autres encore.
Elle est très peuplée et très fréquentée par des étrangers venus des villes
voisines pour des achats ou des ventes ou d'autres raisons d'affaires.
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158> Je vois qu'il y a de nombreux romains,
civils ou militaires, parmi la foule. Je ne sais pas si c'est particulier à cette
ville ou à la région, mais les gens ne me paraissent pas si hostiles et butés
envers les romains. Il se peut que les affaires aient créé des liens, sinon
d'amitié, au moins de relations plus que dans les régions de l'autre rive.
453.2 – La
foule grossit à mesure que Jésus s'avance vers le centre de la ville jusqu'à
ce qu'il s'arrête sur une vaste place plantée d'arbres à l'ombre desquels se
déroule le marché, c'est-à-dire où se traitent les affaires les plus
importantes car le commerce de détail de vivres et d'objets se trouve au-delà
de cette place, sur un terre-plein où déjà le soleil frappe très fort. Les
acheteurs et les marchands s'en défendent avec des toiles tendues sur des
pieux qui donnent un peu d'ombre sur les marchandises exposées par
terre. L'endroit est ainsi couvert de toiles multicolores qui s'élèvent un
peu au-dessus de la terre et il fourmille de gens dont les vêtements sont de
toutes les couleurs. Il semble un pré orné de fleurs géantes, dont les unes
sont immobiles et les autres circulent entre les étalages. Cela donne à
l'esplanade un aspect assez agréable que certainement elle n'a plus lorsque,
désencombrée de ses... boutiques préhistoriques, elle n'est plus qu'une place
stérile et déserte, jaunâtre et désolée.
Mais en ce moment, c’est tout un brouhaha. Mais comme ils crient ces gens du
peuple ! Et que de paroles et de cris pour marchander une écuelle de
bois, un blutoir,
ou bien une poignée de graines ! Et au vacarme des vendeurs et des
acheteurs s'unit tout un chœur de mendiants qui forcent leurs voix pour qu'on
les entende par-dessus le bruit du marché.
"Mais ici, Maître, tu ne peux pas parler ! s'exclame Barthélemy. Ta
voix est puissante mais elle ne peut couvrir tout ce bruit !"
"Nous allons attendre, répond Jésus. Vous voyez ? Le marché se
termine. Certains enlèvent déjà leurs marchandises. En attendant, allez
donner l'obole aux mendiants avec les offrandes des riches d'ici. Ce sera le
prologue et la bénédiction du discours, car l'aumône faite avec amour passe
du degré de secours matériel à celui de l'amour du prochain, et il attire des
grâces."
Les apôtres vont s'acquitter de cet ordre.
453.3 – Jésus
se met à parler au milieu de la foule attentive :
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159> "La ville est riche et prospère, au moins de ce
côté-ci. Je vous vois habillés de vêtements propres et élégants. Vos visages
ont un air de prospérité. Tout me dit que vous ne souffrez pas misère.
Maintenant je vous demande si ceux, là-bas qui se plaignent, sont d'Hippos ou
des mendiants occasionnels, venus ici d'autres endroits pour avoir des
secours. Soyez sincères..."
"Voilà. Nous allons te dire, bien que tes paroles soient déjà un
reproche. Certains sont venus d'ailleurs, la plupart sont d'Hippos."
"Et il n'y a pas de travail pour eux ? J'ai vu que l'on construit
beaucoup ici et il devrait y avoir du travail pour tous..."
"Ce sont presque toujours les romains qui embauchent pour les
travaux..."
"Presque toujours. Tu as bien dit, car j'ai vu aussi des
habitants d'ici qui dirigent des travaux. Et parmi eux, j'en ai vu beaucoup
qui occupent des gens qui ne sont pas d'ici. Pourquoi ne pas secourir d'abord les gens de la ville ?"
"Parce que... Il est difficile de travailler ici. C'est que surtout il y
a quelques années, avant que les romains ne fassent de belles routes, il
était fatigant d'apporter ici les matériaux et d'ouvrir des routes... Et
beaucoup se sont rendus malades ou estropiés... et maintenant ce sont des
mendiants car ils ne peuvent plus travailler."
"Mais vous jouissez du travail qu'ils ont fait ?"
"Certainement, Maître ! Vois comme la ville est belle, pratique,
avec des eaux abondantes dans des citernes profondes et de belles routes qui
communiquent avec d'autres riches villes. Tu vois quelles solides
constructions. Tu vois combien de travaux. Tu vois..."
"Je vois tout. Et ces choses, ceux qui vous ont aidés à les construire,
ce sont ceux qui maintenant vous demandent en pleurant un pain ? Oui,
dites-vous ? Et alors pourquoi, jouissant de ce qu’eux vous ont aidé à
posséder, ne leur donnez-vous pas un peu de joie ? Le pain, sans qu'ils
le demandent ; un grabat, pour qu'ils ne soient pas contraints à
partager les tanières avec les animaux sauvages. Un secours dans leurs
maladies qui, soignées, pourraient leur donner le moyen de faire encore
quelque chose au lieu de s'avilir dans une oisiveté forcée et dégradante.
Comment pouvez-vous vous asseoir satisfaits à table et partager joyeusement
une nourriture abondante avec vos enfants joyeux, en sachant qu'à peu de
distance il y a des frères qui ont faim ?
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160> Comment pouvez-vous aller vous reposer dans un lit
confortable alors que vous savez que dehors, dans la nuit, il y a des hommes
sans couchettes et sans repos ? Ne vous brûlent-elles pas la conscience,
ces pièces de monnaie que vous renfermez dans les coffres-forts, sachant que
beaucoup n'ont pas une piécette pour s'acheter un pain ?
453.4 – Vous
m'avez dit que vous croyez au Seigneur Très-Haut et que vous observez la Loi,
que vous connaissez les prophètes et les livres de la Sagesse. Vous m'avez
dit que vous croyez en Moi et que vous êtes avides de ma Doctrine. Mais
alors, vous devez vous faire un bon cœur, car Dieu est amour et prescrit
l'amour, parce que la Loi est amour, parce que les prophètes et les livres de
la Sagesse conseillent l'amour et que ma Doctrine est une doctrine d'amour.
Les sacrifices sont vains et aussi les prières, s'ils n'ont pas comme base et
comme autel l'amour du prochain, et spécialement du pauvre indigent, auquel
il est possible de donner toutes les formes de l'amour avec le pain, le lit,
le vêtement, le réconfort et l'enseignement, en le conduisant à Dieu.
La misère, par son
avilissement, amène l'esprit à perdre cette foi en la Providence
qui est salutaire pour résister dans les épreuves de la vie. Comment
pouvez-vous prétendre que les malheureux soient toujours bons, patients,
pieux, quand ils voient que ceux qui reçoivent tout le bien de la vie, et
suivant les idées communes, de la Providence, ont le cœur dur, sont sans une
religion véritable - car à leur religion il manque la première et la plus
essentielle des parties : l'amour - sont sans patience et qu'eux, qui
ont tout, ne savent même pas supporter les supplications de ceux qui ont
faim ? Parfois ils lancent des imprécations contre Dieu et contre
vous ? Mais qui les amène à ce péché ? Vous ne réfléchissez jamais,
vous, riches citoyens d'une riche ville, que vous avez un grand devoir :
celui d'amener à la Sagesse ceux que vous abandonnez par votre manière
d'agir ?
J'ai entendu que l'on me disait : "Nous voudrions être tous tes
disciples pour te prêcher". C'est à tous que je dis : voilà que
vous le pouvez. Ces gens qui viennent craintifs, honteux avec leurs vêtements
déchirés, leurs visages émaciés, sont ceux qui attendent la Bonne Nouvelle, celle qui est donnée
surtout pour les pauvres, pour qu'ils aient un réconfort surnaturel dans l'espérance
d'une vie glorieuse après la réalité de leur triste vie présente. Vous pouvez
la mettre en pratique avec assez peu d'efforts matériels, mais avec davantage
d'efforts spirituels - car les richesses sont dangereuses pour la sainteté et
la justice - ma doctrine.
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161> Eux peuvent la suivre avec leurs peines de toutes
sortes. Le pain qui manque, le vêtement insuffisant, le toit inexistant, tout
cela les amène à se demander : "Comment puis-je croire que Dieu est
pour moi un Père, si je n'ai pas ce qu'a l'oiseau de l'air ?" Les
duretés du prochain, comment peuvent-elles les amener à croire qu'il faut
s'aimer comme des frères ? Vous avez l'obligation de les persuader que
Dieu est Père et que vous êtes leurs frères par votre amour actif. Il y a une
Providence, et vous en êtes les serviteurs, vous, les riches du monde.
Considérez que d'être ses intermédiaires c'est le plus grand honneur que Dieu
vous fait et l'unique moyen de rendre saintes les richesses dangereuses.
453.5 – Et
agissez comme si en chacun d'eux vous me voyiez Moi-même. Moi, je suis en
eux. J'ai voulu être pauvre et persécuté pour être comme eux et pour que le
souvenir du Christ pauvre et persécuté durât au cours des siècles en jetant
une lumière surnaturelle sur ceux qui sont pauvres et persécutés comme le
Christ, une lumière qui vous les fasse aimer comme d'autres Moi-même. Et Moi,
je suis en fait dans le mendiant que l'on rassasie, dont on calme la soif, que l'on habille, que l'on loge. Je suis dans l'orphelin recueilli par
amour, dans le vieillard que l'on secourt, dans la veuve que l'on aide, dans
le pèlerin que l'on loge, dans le malade que l'on soigne. Et je suis dans
l'affligé que l'on réconforte, dans celui qui doute que l'on rassure, dans
l'ignorant que l'on instruit. Je suis où on reçoit l'amour. Et toute chose
qui est faite à un frère dépourvu de moyens matériels ou spirituels, c'est à
Moi qu'elle est faite. Car je suis le Pauvre, l'Affligé, l'Homme des Douleurs,
et je le suis pour donner Richesse, Joie, Vie surnaturelle à tous les hommes
qui bien des fois - ils ne le savent pas mais c'est ainsi - ne sont riches
qu'en apparence, et joyeux d'une joie seulement apparente, et qui sont tous
pauvres de vraies richesses et de vraies joies, car ils sont sans la Grâce à
cause de la Faute d'Origine qui les en prive.
Vous le savez : sans la Rédemption il n'y a pas de Grâce, et sans la
Grâce il n'y a pas de joie ni de Vie.
Et Moi, pour vous donner la Grâce et la Vie, je n'ai pas voulu naître roi ou
puissant, mais pauvre, mais enfant du peuple, mais humble. En effet la
couronne n'est rien, le trône n'est rien, rien la puissance, pour Celui qui
vient du Ciel afin de conduire au Ciel, alors que l'exemple est tout ce qu'un
vrai Maître doit donner pour donner de la force à sa Doctrine. En effet les
plus nombreux ce sont les pauvres et les inférieurs, alors que les puissants
et les heureux sont les moins nombreux. Parce que la Bonté est Pitié.
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162> C'est pour cela que je suis venu et que le Seigneur a
donné l'onction à son Christ : pour que j'annonce la Bonne Nouvelle à
ceux qui sont doux et que je guérisse ceux qui ont le cœur brisé, pour que
j'annonce la liberté aux esclaves, la libération aux prisonniers, pour que je
console ceux qui pleurent, pour remettre aux enfants de Dieu, aux enfants qui
savent rester tels dans la joie comme dans la douleur, leur diadème, le
vêtement de justice, et les changer d'arbres sauvages en arbres du Seigneur,
en ses champions, en ses gloires.
453.6 – Je
suis tout pour tous, et je veux les avoir avec Moi dans le Royaume des Cieux,
lequel est ouvert à tous pourvu qu'on sache vivre dans la justice. La justice
est dans la pratique de la Loi et dans l'exercice de l'amour. À ce Royaume on
n'accède pas par les droits de la fortune, mais par l'héroïsme de la
sainteté. Que celui qui veut y entrer me suive et fasse ce que je fais :
qu'il aime Dieu par-dessus toute chose et son prochain comme Moi je l'aime,
qu'il ne blasphème pas le Seigneur, qu'il sanctifie ses fêtes, qu'il honore
ses parents, qu'il ne lève pas une main violente sur son semblable, qu'il ne
commette pas d'adultère, qu'il ne vole pas son prochain d'aucune façon, qu'il ne fasse pas de faux témoignages, qu'il ne
désire pas ce qu'il n'a pas et que les autres possèdent, mais qu'il soit
content de son sort en le regardant toujours comme transitoire et comme une
route et un moyen pour conquérir un sort meilleur et éternel, qu'il aime les
pauvres, les affligés, les petits de la Terre, les orphelins, les veuves,
qu'il ne fasse pas d'usure. Celui qui fera cela, quelle que soit sa nation et sa
langue, sa condition et sa fortune, pourra entrer dans le Royaume de Dieu
dont Moi j'ouvre les portes.
Venez à Moi, vous tous dont la volonté est droite. Ne vous effrayez pas de ce
que vous êtes ou de ce que vous avez été. Je suis l'Eau qui lave le passé et
qui fortifie pour l'avenir. Venez à Moi, vous qui êtes pauvres de sagesse.
Dans ma parole se trouve la sagesse. Venez à Moi, refaites-vous une vie
nouvelle sur d'autres idées. Ne craignez pas de ne pas savoir, de ne pouvoir
faire. Ma Doctrine est facile, mon joug est léger. Je suis le Rabbi qui donne sans demander de
compensation, sans demander d'autre compensation que votre amour. Si vous
m'aimez, vous aimerez ma Doctrine et par conséquent aussi votre prochain et
vous aurez la Vie et le Royaume.
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163> Riches, dépouillez-vous de l'attachement aux richesses
et achetez avec elles le Royaume par toutes les œuvres de miséricordieux
amour pour le prochain. Pauvres, dépouillez-vous de votre avilissement et
venez sur la route de votre Roi. Avec Isaïe, je vous dis : "Vous
qui avez soif venez aux eaux, vous qui n'avez pas d'argent venez
acheter". Avec l'amour, vous achèterez ce qui est amour, ce qui
est nourriture impérissable, la nourriture qui vraiment rassasie et fortifie.
453.7 – Moi,
je m'en vais, ô hommes, ô femmes, ô riches, ô pauvres d'Hippos. Je m'en vais
pour obéir à la Volonté de Dieu. Mais je veux partir d'auprès de vous moins
affligé que quand je suis entré. C'est votre promesse qui soulagera mon
affliction. Pour votre bien, ô riches, pour le bien de votre ville, soyez,
promettez-moi d'être, miséricordieux à l'avenir envers les plus petits
d'entre vous. Tout est beau, ici. Mais comme le nuage noir d'un orage donne
un aspect effrayant à la ville la plus belle, ainsi plane ici, comme une
ombre qui fait disparaître la beauté, la dureté de votre cœur. Enlevez-la, et
vous serez bénis. Rappelez-vous : Dieu promit de ne pas détruire Sodome
s'il s'y était trouvé dix justes. Vous ne connaissez pas l'avenir. Moi, je le connais. Et
en vérité je vous dis qu'il est lourd de punition, plus qu'un nuage de grêle
en été. Sauvez votre ville par votre justice, par votre miséricorde. Le
ferez-vous ?"
"Nous le ferons, Seigneur, en ton nom. Parle-nous, parle-nous
encore ! Nous avons été durs et pécheurs. Mais Toi, tu nous sauves. Tu
es le Sauveur. Parle-nous..."
"Je serai avec vous jusqu'au soir. Mais je parlerai par mes œuvres.
Maintenant que le soleil donne, que chacun aille dans sa maison et méditez
mes paroles."
"Et Toi, où vas-tu, Seigneur ? Chez moi ! Chez
moi !"
Tous les riches d'Hippos veulent l'avoir et ils se disputent presque pour
faire valoir le motif pour lequel Jésus doit aller chez celui-ci ou celui-là.
Il lève la main pour imposer silence. Il l'obtient non sans peine. Il
dit :
"Je reste avec eux."
Et il indique les pauvres qui, serrés en tas en marge de la foule, le
regardent de l’œil de quelqu'un qui, toujours méprisé, se sent aimé. Et il
répète :
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de page.
164>
"Moi, je reste avec eux pour les consoler et partager le pain avec eux,
pour leur donner un avant-goût de la joie du Royaume où le Roi sera assis
parmi ses sujets au même banquet d'amour. Et en attendant, puisque leur foi
est peinte sur leurs visages et dans leurs cœurs, je leur dis :
"Qu'il vous soit fait ce que dans votre cœur vous demandez et que vos
âmes et vos corps jubilent dans le premier salut que vous donne le
Sauveur"."
Les pauvres
peuvent être au moins une centaine. Les deux tiers au moins d'entre eux sont
handicapés, ou bien sont aveugles ou visiblement malades; l'autre tiers, ce
sont des enfants qui mendient pour leurs mères veuves ou pour leurs
grands-parents... Eh bien, c'est un spectacle prodigieux : les bras
estropiés, les hanches disloquées, les échines déformées, les yeux éteints,
les gens épuisés qui se traînent, toute la flore douloureuse des maladies et
des malheureux provoqués par des accidents de travail ou par des excès de
fatigue ou de privation, tout disparaît en reprenant un état normal. Tous ces
malheureux se reprennent à vivre et à se sentir capables de se suffire à
eux-mêmes. Leurs cris remplissent la vaste place et y résonnent.
453.8 – Un
romain se fraie avec peine un passage dans la foule en délire et rejoint
Jésus qui, à son tour, se dirige avec peine vers les pauvres qu'il a guéris
et qui le bénissent de leur place, ne pouvant fendre la foule compacte.
"Salut, ô Rabbi d'Israël. Ce que tu as fait, est-ce seulement pour ceux
de ton peuple ?"
"Non, homme, ni ce que j'ai fait, ni ce que j'ai dit. Mon pouvoir est
universel parce qu'universel est mon amour. Et ma doctrine est universelle parce que, pour elle, il n'y a pas de castes, ni de
religions, ni de nations qui la limitent. Le Royaume des Cieux est pour
l'Humanité qui sait croire au vrai Dieu. Et je suis pour ceux qui savent
croire dans la puissance du vrai Dieu."
"Je suis païen, mais je crois que tu es un dieu. J'ai un esclave qui
m'est cher, un vieil esclave qui me suit depuis mon enfance. Maintenant la
paralysie le tue lentement, en le faisant beaucoup souffrir. Mais c'est un
esclave, et peut-être que Toi..."
"En vérité je te dis que je ne connais qu'un seul esclavage qui me donne
du dégoût : celui du péché, du péché obstiné. En effet celui qui pèche
et se repent rencontre ma pitié. Ton esclave va
être guéri. Va et guéris-toi de ton erreur en entrant dans la vraie
foi."
"Tu ne viens pas dans ma maison ?"
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165>
"Non, homme."
"Vraiment... j'ai trop demandé. Un dieu ne va pas dans les maisons des
mortels. Cela ne se lit que dans les contes... Mais personne n'a jamais logé
Jupiter ou Apollon."
"Parce qu'ils n'existent pas. Mais Dieu, le vrai Dieu, entre dans la
maison de l'homme qui croit en Lui et Il y apporte la guérison et la
paix."
"Qui est le vrai Dieu ?"
"Celui qui est."
"Pas Toi ? Ne mens pas ! Je sens que tu es Dieu..."
"Je ne mens pas, tu l'as dit, je le suis. Je suis le Fils de Dieu venu
pour sauver aussi ton âme, comme j'ai sauvé ton esclave aimé. N'est-ce pas
lui qui vient t'appeler à grands cris ?"
453.9 – Le
romain se retourne. Il voit un vieillard suivi par d'autres et qui, enveloppé
dans une couverture, accourt en criant :
"Marius ! Marius ! Mon maître !"
"Par Jupiter ! Mon esclave ! Comment !... Moi... j'ai
dit : Jupiter... Non, je dis : par le Rabbi
d'Israël. Moi... Moi..."
L'homme ne sait plus que dire.
Les gens ouvrent volontiers leurs rangs pour laisser passer le vieillard
guéri.
"Je suis guéri, maître. J'ai senti un feu dans mes membres et entendu un
commandement : "Lève-toi !" Il me semblait que c'était ta
voix. Je me suis levé... je tenais debout... J'ai essayé de marcher... j'y
réussissais... J'ai touché mes escarres... plus de plaies. J'ai crié. Nérée
et Quintus sont accourus. Ils m'ont dit où tu étais. Je n'ai pas attendu
d'avoir mes vêtements. Maintenant je puis encore te servir..."
Le vieillard à genoux pleure en embrassant les vêtements du romain.
"Pas à moi. C'est Lui, le Rabbi qui t'a guéri. Il faudra croire, Aquila.
Lui, c'est le vrai Dieu. Il a guéri ceux-ci de sa voix, et toi... avec je ne
sais quoi... On doit croire... Seigneur... je suis païen mais... voilà...
Non. C'est trop peu. Dis-moi où tu vas et je te ferai honneur."
Il avait offert une bourse, mais il la reprend.
"Je vais sous ce portique sombre, avec eux."
"Je te donnerai pour eux. Salut, ô Rabbi. Je le raconterai à ceux qui ne
croient pas..."
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de page.
166>
"Adieu. Je t'attends sur les chemins de Dieu."
Le romain s'en va avec ses esclaves. Jésus s'en va avec ses pauvres et avec
les apôtres et les femmes disciples.
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