Le samedi 29 juin
1946.
146> 452.1 – "Mon
Seigneur !" crie l'ancien lépreux en se jetant à genoux dès qu'il
voit apparaître Jésus dans la friche qui précède le lieu rocailleux où il a
vécu pendant tant d'années. Et puis, se relevant, il crie encore :
"Pourquoi reviens-tu vers moi ?"
"Pour te donner le viatique de la parole après celui de la santé."
"Le viatique on le donne à celui qui part et moi, en
effet, je pars ce soir pour les purifications. Mais je pars pour revenir et
m'unir aux disciples, si tu veux m'accueillir. Je n'ai plus de maison, ni de parents, Seigneur. Je suis vieux pour
reprendre l'activité et la vie ; on me réintégrera dans mes biens, mais
comment sera la maison depuis quinze années qu'elle n'est plus à
personne ? Que vais-je y trouver ? Peut-être des murs en ruine...
Je suis un oiseau sans nid. Permets-moi de m'unir à la troupe de ceux qui te
suivent. Du reste... moi, je ne m'appartiens plus à moi-même, car à cause de
ce que tu m'as donné, je t'appartiens. Je n'appartiens plus au monde qui m'a
séparé de lui, à juste titre comme impur, pendant si longtemps. Maintenant
c'est moi qui trouve le monde impur après t'avoir connu, et je fuis le monde
pour venir à Toi."
"Et Moi, je ne te repousse pas.
Cependant je te dis que je voudrais que tu acceptes un séjour dans cette
région. Aéra et Arbel ont leur fils comme disciple pour l'évangélisation.
Toi, sois-le pour Hippos, Gamla, Aphéqa et les villes voisines. Moi, sous
peu, je descends en Judée et je ne reviendrai plus de ce côté. Je veux qu'il
y ait des évangélisateurs."
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147> "Ta volonté me rend cher tout renoncement.
Je ferai ce que tu veux. Je le ferai sitôt accomplies les purifications.
J'avais pensé de ne plus m'occuper de ma maison. Maintenant, au contraire, je
dis que je vais la remettre en état, de façon à pouvoir l'habiter pour y
accueillir pendant l'hiver des âmes désireuses de te connaître, et je prierai
quelque disciple qui te suit depuis des années de venir avec moi, car si tu
veux que je sois un petit maître, j'ai besoin d'être instruit par quelqu'un
qui l'est plus que moi. Et au printemps j'irai avec les autres pour prêcher
ton Nom."
452.2 – "C'est
une bonne pensée. Dieu t'aidera à la réaliser."
"J'ai déjà commencé en détruisant par le feu tout ce qui
m'appartenait : à savoir mon pauvre grabat et tous les objets qui me
servaient, le vêtement que je portais jusqu'à hier, tout ce qu'avait touché
mon corps malade. La grotte où je vivais est noircie par le feu que j'y ai
fait pour détruire et purifier. Personne ne s'y contaminera en entrant s'y
réfugier une nuit de tempête. Et puis... (la voix de l'homme s'affaiblit,
comme si elle se fêlait et il parle plus lentement...) et puis... j'avais un
vieux coffre qui s'en allait en morceaux... vermoulu... il semblait que la
lèpre l'avait rongé, lui aussi... Mais pour moi... il était plus précieux que
toutes les richesses du monde... À l'intérieur, il y avait les chers
objets... des souvenirs de ma mère... le voile de mariée de mon Anne...
Ah ! quand je l'ai enlevé, tout heureux, le soir des noces et quand j'ai
contemplé ce visage lilial, si beau et si pur, qui m'aurait dit que quelques
années plus tard je l'aurais vu alors qu'il n'était qu'une plaie ! Et...
les vêtements de mes enfants... leurs jouets... qu'ils avaient tenus dans
leurs petites mains tant qu'ils avaient pu les saisir... quelque chose...
et... oh ! c'est une telle douleur... pardonne-moi mes larmes... La
plaie me fait beaucoup souffrir maintenant que je les ai brûlés parce qu'il
le fallait... sans pouvoir les baiser... car c'étaient des objets de
lépreux... Je suis injuste, Seigneur... Je te montre des larmes... Mais aie
compassion... J'ai détruit le dernier souvenir que j'avais d'eux... et maintenant
je suis comme quelqu'un qui est perdu dans un désert..."
L'homme s'affaisse en pleurant auprès de ce tas de cendres, souvenir de son
passé...
"Tu n'es pas perdu, Jean, tu n'es pas seul. Je suis avec toi. Et les
tiens seront bientôt, avec Moi, dans le Ciel, pour t'attendre. Ces restes te
les rappelaient, défigurés par la maladie, ou bien d'une santé
resplendissante avant le malheur, tout cela, souvenir de douleur.
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148> Laisse cela dans les cendres du bûcher. Anéantis-le,
dans la certitude que je te donne, de retrouver des êtres heureux, embellis
par la joie du Ciel. Le passé est mort,
Jean. Ne pleure plus sur lui. La lumière ne s'attarde pas à regarder les
ténèbres de la nuit, mais elle est joyeuse de s'en séparer et de resplendir
en montant dans le ciel, à la suite du soleil, chaque matin. Et le soleil ne
s'attarde pas à l'orient, mais il monte, bondit et court jusqu'à ce qu'il
rejoigne le sommet du firmament pour y rayonner. Ta nuit est finie. N'y pense
plus. Monte par l'esprit là où Moi, Lumière, je te porte. Là, grâce à la
douce espérance et à la belle foi, tu vas déjà retrouver la joie, car ta
charité va pouvoir se répandre en Dieu et dans les êtres aimés qui
t'attendent. Ce n'est qu'une rapide montée... et tu vas être là-haut avec
eux. La vie est un souffle... l'éternité est l'éternel présent."
"Tu as raison, Seigneur. Tu me réconfortes et tu m'apprends comment
surmonter cette heure avec justice...
452.3 – Mais
tu es au soleil pour rester près de moi, plus qu'il t'est permis.
Éloigne-toi, Maître. Tu m'as donné suffisamment. Le soleil pourrait te faire
mal, car il est déjà fort."
"Je suis venu pour rester avec toi. Nous sommes tous venus pour cela,
mais déplace-toi, toi aussi, du côté des arbres et nous serons voisins sans
qu'il y ait de danger."
L'homme obéit, en s'éloignant du rocher au pied duquel se trouve le monceau
de cendres : le passé, et il va vers l'endroit où se dirige Jésus où,
tout émus, se trouvent les apôtres et les femmes et les habitants de la
bourgade et ceux qui sont venus de la ville pour écouter le Maître.
"Allumez les feux pour cuire les poissons. Nous allons partager la
nourriture dans un banquet d'amour" commande Jésus.
Et, pendant que les apôtres exécutent l'ordre, Lui fait un tour sous les
arbres qui ont poussé en désordre dans cet endroit évité par tout le monde à
cause du voisinage du lépreux, un fouillis sauvage d'arbres qui ne
connaissent pas la serpe ou la hache depuis qu'ils sont nés. Des gens qui
souffrent ou qui sont affligés, sont à l'ombre propice du fourré et racontent
à Jésus leurs angoisses. Jésus guérit, conseille ou réconforte, patient et
puissant. Plus loin, dans un petit pré, l'enfant de Capharnaüm joue heureux
avec des enfants du village, et leurs cris de joie rivalisent avec le chant
des nombreux oiseaux qui sont dans les feuillages. Leurs vêtements
multicolores, qui s'agitent dans leurs courses sur l'herbe verte, les rendent
semblables à de gros papillons qui voltigent de fleur en fleur.
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149> 452.4 – La
nourriture est prête. On appelle Jésus. Il demande comme une grâce un panier à
un paysan qui avait apporté des figues et du raisin, et il le remplit de
pain, des poissons les plus beaux, de fruits savoureux, il y ajoute sa gourde
d'eau emmiellée et se dirige vers l'ancien lépreux.
"Tu restes sans gourde, Maître, lui fait remarquer Barthélemy. Lui ne
peut plus te la rendre."
Et Jésus dit en souriant :
"Il y a encore tant d'eau pour la soif du Fils de l'homme ! Il y a
l'eau que le Père a mise dans les puits profonds. Et le Fils de l'homme a
encore ses mains libres pour les unir... Un jour viendra que je n'aurai plus
ni celles-ci, ni celle-là... et je n'aurai pas non plus l'eau de l'amour pour
donner du rafraîchissement à l'Assoiffé... Maintenant j'ai tant d'amour
autour de Moi..."
Et il continue sa marche, portant à deux mains le panier large, rond et bas,
qu'il dépose sur l'herbe à quelques mètres de Jean, en lui disant :
"Prends et mange. C'est le banquet de Dieu."
Puis il revient à sa place, offre et bénit la nourriture et la fait
distribuer à ceux qui sont là et qui ont mis ensemble ce qu'ils avaient.
Tous mangent avec appétit, paisiblement joyeux, et Marie s'occupe du petit
Alphée avec une maternelle douceur. Puis, le repas terminé, Jésus se place
entre les gens et l'ancien lépreux pour commencer à parler, alors que les
mères prennent dans leurs bras les enfants rassasiés de nourriture et de
jeux, et les bercent pour les endormir pour qu'ils ne troublent pas le
discours.
452.5 – "Écoutez
tous.
Dans un psaume de David, le psalmiste se demande : "Qui habitera
dans le Tabernacle de Dieu ? Qui reposera sur la montagne de Dieu ?" Et il se met à énumérer quels seront ces
gens fortunés et pour quel motif ils le seront. Il dit : "Celui qui
vit sans tache et pratique la justice. Celui dont le cœur parle avec vérité
et dont la langue n'ourdit pas des tromperies, qui ne fait pas de tort au
prochain et n'accueille pas de propos qui déshonorent son semblable".
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150> Et en quelques lignes, après avoir dit qui entrera dans
le domaine de Dieu, il dit ce que ces saints font de bien après n'avoir pas
fait le mal. Voici : "À ses yeux le méchant n'est rien. Il honore
ceux qui craignent Dieu. Il ne trompe pas son prochain par de faux serments.
Il ne prête pas son argent en usurier. Il n'accepte pas de cadeaux pour faire
tort à l'innocent". Et il dit pour finir : "Celui qui fait
cela ne chancellera pas à jamais". En vérité, en vérité je vous dis que
le psalmiste a dit la vérité, et je confirme par ma sagesse que celui qui
fait ces choses ne chancellera pas à jamais.
452.6 – La
première condition pour entrer dans le Royaume des Cieux, c'est de
"Vivre sans tache".
Mais l'homme, qui est une créature faible, peut-il
vivre sans tache ? La chair, le monde et Satan, dans un continuel
bouillonnement de passions, de tendances et de haine, crachent leurs
souillures pour tacher les esprits, et si le Ciel n'était ouvert qu'à ceux
qui ont vécu sans tache après l'âge de raison, de toute l'Humanité, il y en
aurait très peu qui entreraient au Ciel, de même qu'il y a très peu d'hommes
qui arrivent à la mort sans avoir connu des maladies plus ou moins graves
pendant leur existence.
Et alors ? Le Ciel est-il ainsi fermé aux fils de Dieu ?
Doivent-ils se dire : "Je l'ai perdu" quand un assaut de Satan
ou une tempête de la chair les fait tomber et qu'ils voient leur âme
maculée ? N'y aura-t-il plus de pardon pour celui qui aura péché ?
Rien n'effacera-t-il la tache qui souille
l'esprit ?
Ne craignez pas votre Dieu d'une crainte injuste. Lui est Père, et un père
tend toujours une main au fils qui chancelle, lui offre de l'aide pour qu'il
se relève, le réconforte par de suaves moyens pour que son avilissement ne
dégénère pas en désespoir, mais fleurisse en une humilité désireuse de
réparer pour revenir à la dilection du Père.
Voilà. Le repentir du pécheur, la volonté vraie de réparer, nés l'un et
l'autre d'un véritable amour pour le Seigneur, lavent la tache de la faute et
rendent digne du pardon divin. Et quand Celui qui vous parle aura accompli sa
mission sur la Terre, aux absolutions de l'amour, du repentir et de la bonne
volonté, s'unira, très puissante,
l'absolution que le Christ vous aura obtenue au prix de son sacrifice. Plus
purs dans l'âme que les enfants qui viennent de naître, beaucoup plus purs
car pour ceux qui croiront en Moi jailliront de leurs seins des fleuves d'eau
vive qui laveront même la faute d'origine, cause première de toute la
faiblesse de l'homme, vous pourrez aspirer au Ciel, au Royaume de Dieu, à ses
Tabernacles.
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151> En effet la Grâce que je vais vous rendre vous aidera à
pratiquer la justice qui fait grandir, dans la mesure où elle est pratiquée,
le droit que vous donne un esprit sans tache d'entrer dans la joie du Royaume
des Cieux.
Y entreront les petits enfants, et ils y jouiront à cause de la béatitude qui
leur sera donnée gratuitement, ils y jouiront, car le Ciel est joie. Mais y
entreront les adultes, les vieillards, ceux qui ont vécu, lutté, vaincu, et
qui, à la candide couronne de la Grâce, uniront la couronne multicolore de
leurs œuvres saintes, de leurs victoires sur Satan, le monde et la chair.
Très grande sera leur béatitude de vainqueurs, grande comme l'homme ne peut
l'imaginer.
452.7 – Comment
se pratique la justice ? Comment se conquiert la victoire ? Par
l'honnêteté des paroles et des actions, par la charité envers le prochain. En
ne reconnaissant que Dieu et en ne mettant pas les idoles des créatures, de
l'argent, de la puissance, à la place du Dieu très Saint. En donnant à chacun
la place qui lui revient, sans chercher à donner plus ou moins qu'on ne doit.
N'est pas juste celui qui, parce que quelqu'un est un ami ou un parent
puissant, l'honore et le sert même dans des œuvres qui ne sont pas bonnes.
Celui qui, à l'opposé, nuit à son prochain parce qu'il ne peut obtenir de lui
avantage d'aucune sorte et qui fait de faux serments, ou se fait acheter par
des cadeaux pour faire une déposition contre l'innocent ou juger partialement,
non selon la justice mais en calculant ce qu'un jugement injuste peut lui
obtenir de celui qui est le plus puissant des adversaires, celui-là n'est pas
juste et vaines sont ses prières, ses offrandes, car elles sont tachées par
l'injustice aux yeux de Dieu.
Vous voyez que ce que je vous dis est encore
le Décalogue. C'est toujours le Décalogue, la parole du Rabbi. En effet, le
bien, la justice, la gloire, se trouvent dans l'accomplissement de ce que le
Décalogue enseigne et ordonne de faire. Il n'y a pas d'autre doctrine.
Autrefois elle a été donnée au milieu des foudres du Sinaï, maintenant elle
l'est au milieu des splendeurs de la Miséricorde, mais c'est toujours la même
Doctrine. Et elle ne change pas, et elle ne peut changer. Beaucoup, pour
s'excuser, en Israël diront pour se justifier de n'être pas saints même après
le passage du Sauveur sur la Terre : "Je n'ai pas trouvé manière de
le suivre et de l'entendre". Mais leur excuse n'a aucune valeur, car le
Sauveur n'est pas venu apporter une nouvelle Loi, mais pour confirmer la
première, l'unique Loi, ou plutôt pour la reconfirmer justement dans sa
nudité sainte, dans sa simplicité parfaite.
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152> Pour confirmer par l'amour et par les promesses d'un amour
assuré de Dieu, ce qui d'abord avait été dit avec rigueur d'un côté et
entendu avec crainte de l'autre.
452.8 – Pour
bien vous faire comprendre ce que sont les dix commandements et combien il
est important de les suivre, je vous dis cette parabole.
Un père de famille avait deux fils pareillement aimés et
desquels il voulait dans la même mesure être le bienfaiteur. Ce père
possédait, outre la demeure où étaient ses fils, des possessions où étaient
cachés de grands trésors. Les fils connaissaient l'existence de ces trésors,
mais ne connaissaient pas la route pour y aller. En effet le père, pour des
motifs particuliers, n'avait pas dévoilé à ses enfants le chemin pour y
arriver et cela pendant de très nombreuses années.
Pourtant à un certain moment, il appela ses deux fils et leur dit :
"Il est bon que désormais vous connaissiez où sont les trésors que votre
père a mis de côté pour vous, pour pouvoir y arriver quand je vous le dirai.
En attendant, connaissez-en le chemin et les signaux que j'y ai placés pour
que vous ne perdiez pas le bon chemin. Écoutez-moi donc. Les trésors ne sont
pas dans une plaine où stagnent les eaux, où brûle la canicule, où la
poussière abîme tout, où les épines et les ronces étouffent la végétation et
où les voleurs peuvent facilement arriver pour dérober. Les trésors sont au
sommet de cette haute montagne, élevée et raboteuse. Je les ai placés là au
sommet et ils vous y attendent. La montagne a plus d'un sentier, elle en a
même un grand nombre, mais un seul est bon. Quant aux autres, certains
finissent sur un précipice, d'autres dans des cavernes sans issues, d'autres
dans des fossés d'eau boueuse, d'autres dans des nids de vipères, d'autres
sur des cratères de soufre enflammé, d'autres contre des murailles
infranchissables. Le bon sentier, au contraire, est fatigant, mais il arrive
au sommet sans être interrompu par des précipices ou d'autres obstacles. Pour
que vous puissiez le reconnaître, j'y ai mis tout au long, à des distances
régulières, dix monuments de pierre sur lesquels sont gravés, pour vous
guider, ces trois mots : 'Amour, obéissance, victoire'. Allez en suivant
ce sentier, et vous arriverez au lieu du trésor. Moi, ensuite, par un autre chemin connu de moi
seul, je viendrai et je vous ouvrirai les portes pour que vous soyez
heureux".
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153>
452.9 – Les
deux fils saluèrent le père qui répéta, tant que ses deux fils purent
l'entendre : "Suivez le chemin que je vous ai dit. C'est pour votre
bien. Ne vous laissez pas tenter par les autres, même s'ils vous semblent
meilleurs. Vous perdriez le trésor et moi, avec lui...".
Les voilà arrivés au pied de la montagne. Un premier monument se trouvait à
la base, exactement au commencement du sentier qui était au milieu d'une
rangée de sentiers qui escaladaient la montagne en tous sens. Les deux frères
commencèrent l'ascension sur le bon sentier. Il était encore très bon au
commencement, bien que sans un brin d'ombre. Du haut du ciel, le soleil y
tombait à pic l'inondant de lumière et de chaleur. La roche blanche où il
était taillé, le ciel pur au-dessus de leurs têtes, la chaleur du soleil qui
enveloppait leurs membres, voilà ce que les frères voyaient et ressentaient.
Mais animés encore par la bonne volonté, par le souvenir du père et de ses
recommandations, ils montaient joyeusement vers la cime. Voici le second
monument... et puis le troisième. Le sentier était de plus en plus fatigant,
solitaire, brûlant. On ne voyait même pas les autres sentiers où il y avait
de l'herbe, des arbres, des eaux claires, et surtout une montée plus douce
parce que moins rapide et tracée sur un sol qui n'était pas rocheux.
"Notre père veut nous faire arriver morts" dit un fils en arrivant
au quatrième monument.
Et il commença à ralentir la marche. L'autre l'encouragea à poursuivre en
disant :
"Il nous aime comme d'autres lui-même et plus encore, puisqu'il nous a
sauvé le trésor si merveilleusement. Ce sentier dans la roche, qui, sans
déviations monte du bas au sommet, c'est lui qui l'a creusé. Ces monuments,
c'est lui qui les a faits pour nous guider. Réfléchis, mon frère ! C'est
lui, lui tout seul, qui a fait tout cela par amour ! Pour nous le
donner ! Pour nous faire arriver sans erreur possible et sans
danger".
Ils marchèrent encore, mais les sentiers laissés en contrebas se
rapprochaient du sentier dans la roche et ils se rapprochaient d'autant plus
souvent que le sentier conduisant à la cime devenait plus étroit. Et comme
ils étaient beaux, ombragés, engageants !...
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154> "Je prendrais bien un de ceux-ci" dit le fils
mécontent en arrivant au sixième monument. "D'autant plus que celui-là
va à la cime".
"Tu ne peux pas le dire... Tu ne vois pas s'il monte ou s'il
descend..."
"Le voilà là-haut !"
"Tu ne sais pas si c'est celui-là. Et puis le père a dit de ne pas
quitter le bon sentier..."
C'est de mauvaise grâce que le nonchalant continue.
Voilà le septième monument : "Oh ! pour moi, je m'en vais
vraiment".
"Ne le fais pas, frère !"
Ils montent par le sentier vraiment très difficile désormais, mais la cime
désormais était proche...
Voilà le huitième monument et tout proche, le côtoyant, le sentier fleuri.
"Oh !
Tu le vois, peut-être pas en ligne droite, mais il monte
vraiment celui-ci ?"
"Tu ne sais pas si c'est celui-là".
"Si. Je le reconnais".
"Tu te trompes".
"Non, je m'en vais".
"Ne le fais pas. Pense au père, aux dangers, au trésor".
"Mais qu'ils se perdent tous ! Que ferai-je du trésor si j'arrive
mourant au sommet ? Quel danger plus grand que ce chemin ? Et
quelle haine plus grande que celle du père qui nous a bernés avec ce sentier
pour nous faire mourir ? Adieu ! J'arriverai avant toi, et
vivant..."
Et il se jette dans le sentier contigu et disparaît en poussant un cri de
joie derrière les arbres qui font de l'ombre.
452.10 – L'autre
continue tristement... Oh ! la route, dans son dernier parcours, était
vraiment effroyable ! Le voyageur n'en pouvait plus. Il était comme ivre
de fatigue, de soleil ! Au neuvième monument, il s'arrêta haletant,
s'appuya sur la pierre gravée en lisant machinalement les paroles qui étaient
gravées. Tout près il y avait un sentier avec de l'ombre, de l'eau, des
fleurs... "Je le prendrais bien... Mais non ! Non. Ici est écrit,
et c'est mon père qui l'a écrit : 'Amour, obéissance, victoire'. Je dois
croire. À son amour, à sa vérité, et je dois obéir pour montrer mon amour...
Allons... Que l'amour me soutienne..."
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155> Voici le dixième monument... Le voyageur, épuisé, brûlé
par le soleil, marchait courbé comme sous un joug... C'était l'amoureux et
saint joug de la fidélité qui est amour, obéissance, force, espérance,
justice, prudence, tout... Au lieu de s'appuyer, il se laissa tomber assis à
ce peu d'ombre que le monument faisait sur le sol. Il se sentait mourir... Du
sentier voisin venait un bruit de ruisseaux et une odeur de bois...
"Père, père, aide-moi par ton esprit, dans la tentation... aide-moi à
être fidèle jusqu'à la fin !".
De loin, riante, la voix du frère : "Viens, je t'attends. Ici,
c'est un éden... Viens..."
"Si j'y allais… ?" et en criant très fort : "On
monte vraiment au sommet ?"
"Oui, viens. Il y a une galerie fraîche et qui mène là-haut.
Viens ! Je le vois déjà le sommet au-delà de la galerie, dans le
rocher..."
"J'y vais ? Je n'y vais pas ?... Qui va me secourir ?...
J'y vais..."
Il appuya les mains pour se relever et, pendant qu'il le faisait, il remarqua
que les paroles gravées n'étaient plus nettes comme celles du premier
monument : "À chaque monument, les mots étaient plus légers...
C'est comme si mon père, épuisé, avait eu du mal à les graver. Et...
regarde !... Ici aussi ce signe rouge brun qui était déjà visible dès le
cinquième monument... Mais ici il emplit le creux de chaque mot et il a coulé
marquant le rocher comme de larmes sombres, comme... de sang..."
Il gratta avec le doigt là où il y avait une tache large comme les deux
mains. Et la tache s'en alla, laissant découvertes,
fraîches, ces paroles : "C'est ainsi que je vous ai aimés, jusqu'à
répandre mon sang pour vous conduire au Trésor".
"Oh ! oh ! mon père ! Et moi, je pouvais penser à ne pas
suivre ton commandement ?! Pardon, mon père ! Pardon".
Le fils pleura contre le rocher, et le sang qui remplissait les mots se refit
frais, brillant comme du rubis, et les larmes furent nourriture et boisson
pour le bon fils, et force... Il se leva... par amour, il appela son frère,
fort, très fort... Il voulait lui dire sa découverte... l'amour du père, lui
dire : "Reviens". Personne ne répondit...
Le jeune homme reprit sa marche, presque à genoux sur la pierre brûlante car,
par la fatigue, son corps était vraiment à bout, mais son esprit était
serein. Voici le sommet... Et là, voici le père.
"Mon Père !"
"Fils chéri !"
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156> Le jeune homme s'abandonna sur le sein paternel, le père
l'accueillit en le couvrant de baisers.
"Tu es seul ?"
"Oui... Mais mon frère va bientôt arriver..."
"Non. Il ne viendra plus. Il a quitté la voie des dix monuments. Il
n'est pas revenu après les premières désillusions qui l'avertissaient. Tu
veux le voir ? Le voilà. Dans le gouffre de feu... Il s'est entêté dans
la faute. Je lui aurais encore pardonné et je l'aurais attendu si, après
avoir reconnu son erreur, il était revenu sur ses pas et si, bien qu'en
retard, il était passé par où l'amour est passé le premier, en souffrant
jusqu'à répandre le meilleur de son sang, ce qu'il
y avait de plus cher en lui, pour vous".
"Il ne savait pas..."
"S'il avait regardé avec amour les paroles gravées dans les dix
monuments, il aurait lu leur vraie signification. Tu l'as lu dès le cinquième
monument et tu l'as fait remarquer à l'autre en disant : 'Ici, le père a
dû s'être blessé !' et tu l'as lu au sixième, septième, huitième,
neuvième... toujours plus clairement, jusqu'à ce que tu aies eu l'instinct de
découvrir ce qu'il y avait sous mon sang. Sais-tu le nom de cet
instinct ? 'Ton union véritable avec moi'. Les fibres de ton cœur,
confondues avec les miennes, ont tressailli, et elles t'ont dit : 'Ici
tu auras la mesure de la manière dont t'aime le père'. Maintenant entre en
possession du Trésor et de moi-même, toi, affectueux, obéissant, victorieux
pour toujours".
Voilà la parabole.
452.11 – Les
dix monuments sont les dix commandements. Votre Dieu les a gravés et mis sur
le sentier qui mène au Trésor éternel, et Il a souffert pour vous conduire à
ce sentier. Vous souffrez ? Dieu aussi. Vous devez faire effort sur
vous-mêmes ? Dieu aussi.
Savez-vous jusqu'à quel point ? En souffrant de se séparer de Lui-même
et en s'efforçant pour connaître l'être humain avec toutes les misères que
l'humanité porte avec elle : naître, souffrir le froid, la faim, la
fatigue et les sarcasmes, les affronts, les haines, les embûches et enfin la
mort en donnant tout son Sang pour vous donner le Trésor. Voilà ce que
souffre Dieu, descendu pour vous sauver. Voilà ce que souffre Dieu en haut
des Cieux, en se permettant à Lui-même de le souffrir.
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157> En vérité je vous dis qu'aucun homme, si fatigant que
soit son sentier pour arriver au Ciel, ne suivra jamais un sentier plus
fatigant et plus douloureux que celui que le Fils de l'homme parcourt pour
venir du Ciel à la Terre, et de la Terre au Sacrifice pour vous ouvrir les
portes du Trésor.
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