Le samedi 1er
décembre 1945.
366> 347.1 – Ils ne marchent plus, mais ils
courent dans la nouvelle aurore encore plus brillante et plus pure que les
précédentes. Partout la rosée scintille et des pétales multicolores pleuvent
sur les têtes et sur les prés pour y mettre d'autres couleurs de fleurs
effeuillées près de celles innombrables des fleurettes qui se dressent sur
les tiges des rives et des champs et pour allumer de nouveaux diamants sur
les brins d'herbe nouvelle. Ils courent parmi les chants des oiseaux
amoureux, et du murmure de la brise légère et des eaux riantes qui soupirent
ou qui arpègent, en glissant parmi les branches, en caressant les foins et
les blés qui montent jour après jour, ou bien en coulant entre les rives, en
courbant doucement les tiges qui effleurent les eaux limpides. Ils courent
comme s'ils allaient à la rencontre de l'amour. Même les plus âgés comme
Philippe, Barthélemy, Mathieu, le Zélote partagent la hâte joyeuse des
jeunes. Et il en est ainsi parmi les disciples, où les plus âgés rivalisent
avec les plus jeunes pour la rapidité de la marche. Et la rosée n'a pas
encore séché sur les prés quand ils arrivent aux environs de Bethsaïde
resserrée dans un petit espace entre le lac, le fleuve et la montagne.
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367> 347.2 – Et d'un bois de la montagne
descend, par un sentier, un tout jeune homme courbé sous un fagot de
ramilles. Il descend agile, presque en courant et, à cause de sa position, il
ne voit pas les apôtres... Il chante, heureux, en courant sous son fagot et,
arrivé sur la grand-route, aux premières maisons de Bethsaïde, il jette sa
charge par terre et se redresse pour se reposer en rejetant en arrière ses
cheveux noirs foncés. Il est grand et élancé, avec un corps robuste et des
membres agiles et frêles. Une belle figure de jeune.
"C'est Marziam" dit André.
"Es-tu fou ? Celui-là c'est un homme" lui répond Pierre. André
met ses mains en porte-voix et l'appelle à grands cris. Le jeune homme, qui
se penchait pour reprendre son fardeau, après avoir serré sa ceinture à la
courte tunique qui lui arrive à peine aux genoux et qui est ouverte sur la
poitrine probablement parce qu'elle est trop étroite, se tourne en direction
de l'appel et il voit Jésus, Pierre et les autres qui le regardent, arrêtés
près d'un groupe de saules pleureurs qui trempent ses branches dans les eaux
d'un large ruisseau, le dernier affluent de gauche du Jourdain avant le lac
de Galilée, situé justement à la limite du pays. Il laisse retomber son
fardeau, lève les bras et crie :
"Mon Seigneur ! Mon père !"
Et il s'élance en courant.
Mais Pierre aussi accourt, traverse à gué le ruisseau sans même enlever ses
sandales, en se bornant à relever ses vêtements et puis il court sur la route
poussiéreuse en laissant sur le terrain sec les empreintes de ses sandales
humides.
"Mon père !"
"Mon fils chéri !"
Ils sont dans les bras l'un de l'autre. Marziam est vraiment aussi grand que
Pierre, si bien que ses cheveux noirs retombent sur le visage de Pierre dans
son baiser affectueux, mais il semble plus grand, élancé comme il l'est.
347.3 – Cependant Marziam se détache
du doux embrassement et il reprend sa course vers Jésus qui a passé le
ruisseau et qui avance lentement entouré de ses apôtres.
Marziam tombe à ses pieds, les bras levés, et il dit :
"Oh ! mon Seigneur, bénis ton serviteur !"
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368> Mais Jésus se penche, le relève et
le prend sur son cœur, en le baisant sur les deux joues et en lui souhaitant
"une paix continuelle et une croissance en sagesse et en grâce sur les
voies du Seigneur."
Les autres apôtres aussi font fête au jeune homme, et surtout ceux qui ne
l'avaient pas vu depuis des mois et ils se félicitent avec lui de son
développement.
Mais Pierre ! Mais Pierre ! S'il l'avait procréé lui, il n'en
serait pas tant satisfait ! Il tourne autour, le regarde, le touche et
demande à tel ou tel :
"Mais n'est-il pas beau ? N'est-il pas bien fait ? Regarde
comme il est droit ! Quelle poitrine haute ! Quelles jambes
droites !... Un peu maigre, avec encore peu de muscles. Mais il
promet ! Il promet vraiment ! Et le visage ? Regardez s'il
semble encore ce petit être que l'an dernier je portais dans mes bras !
Il me semblait porter un oiseau miséreux, pâlichon, triste, peureux... Brave
Porphyrée ! Ah ! elle a été vraiment brave avec tout son miel, son
beurre, son huile, les œufs et les foies de poissons. Elle mérite vraiment
que je le lui dise tout de suite.
347.4 – Hé ! Maître, me
laisses-tu aller la trouver ?"
"Va ! Va ! Simon. Je t'aurai vite rejoint."
Marziam, que Jésus tient encore par la main, dit :
"Maître, certainement mon père va commander un repas à maman. Permets
que je te quitte pour l'aider..."
"Va. Et que Dieu te bénisse puisque tu honores ceux qui sont pour toi
père et mère."
Marziam s'éloigne en courant, reprend son fagot, le charge et rejoint Pierre,
en marchant à ses côtés.
"Ils
semblent être Abraham et Isaac, en train de gravir la montagne« observe
Barthélemy.
"Oh ! pauvre Marziam ! Il ne lui manquerait plus que
cela !" dit Simon le Zélote.
"Et mon pauvre frère ! Je ne sais s'il aurait la force de faire
Abraham..." dit André.
Jésus le regarde et puis regarde la tête grisonnante de Pierre qui s'éloigne
avec son Marziam près de lui, et il dit :
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369> "En vérité je
vous dis qu'un jour viendra où Simon Pierre se réjouira en sachant
emprisonné, frappé, flagellé, mis en péril de mort son Marziam, et où il
aurait le courage de l'étendre de sa main sur le gibet pour le revêtir de la
pourpre des Cieux et pour féconder la terre de son sang de martyr, enviant
son sort et souffrant pour un seul motif : de n'être pas à la place de
son fils et obligé de se réserver à cause de son élection comme Chef Suprême
de mon Église jusqu'à ce que je lui dise : "Va mourir pour
elle". Vous ne connaissez pas encore Pierre. Moi, je le connais."
"Tu prévois le martyre pour Marziam et pour mon frère ?"
"Tu en souffres, André ?"
"Non. Je souffre que tu ne le prévoies pas aussi pour moi."
"En vérité, en vérité je vous dis que vous serez tous revêtus de la
pourpre, sauf un."
"Qui ? Qui ?"
"Laissons le silence sur la douleur de Dieu "
dit Jésus affligé et solennel.
Tous se taisent effrayés et pensifs.
347.5 – Ils entrent dans la première
rue de Bethsaïde, au milieu des jardins pleins d'une verdure nouvelle.
Pierre, avec d'autres de Bethsaïde, est en train d'amener à Jésus un aveugle.
Marziam n'est pas là : certainement il est resté pour aider Porphyrée.
Avec les gens de Bethsaïde et les parents de l'aveugle, il y a beaucoup de
disciples venus à Bethsaïde de Sicaminon et d'autres villes, parmi lesquels
Étienne, Hermas, le prêtre Jean, et Jean le scribe et beaucoup d'autres.
(Désormais, pour m'en souvenir, quel embrouillement ! Ils sont si
nombreux) .
"Je te l'ai amené, Seigneur. Il attendait ici depuis plusieurs
jours" explique Pierre pendant que l'aveugle et ses parents ne cessent
de chanter : "Jésus, Fils de David, aie pitié de nous !"
"Mets ta main sur les yeux de mon fils et il verra". "Aie pitié de moi, Seigneur ! Je crois en
Toi !"
347.6 – Jésus prend l'aveugle par la main
et recule avec lui de quelques mètres pour le mettre à l'abri du soleil qui
inonde maintenant la rue. Il le place le dos au mur d'une maison tout couvert
de feuilles, la première maison du village, et se met en face de lui. Il
mouille ses deux index avec de la salive et lui frotte les paupières avec ses
doigts humides, ensuite il appuie ses mains sur les yeux avec la base de la
main dans les creux des orbites et les doigts dans les cheveux du malheureux.
Il prie ainsi, puis il enlève ses mains :
"Que vois-tu ?" demande-t-il à l'aveugle.
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370> "Je vois des hommes, sûrement
ce sont des hommes. Mais c'est ainsi que je me représentais les arbres
couverts de fleurs. Mais certainement ce sont des hommes, car ils s'agitent
et s'avancent vers moi."
Jésus pose de nouveau ses mains et puis de nouveau les retire en
disant :
"Et maintenant ?"
"Oh ! maintenant je vois bien la différence entre les arbres
plantés dans la terre et ces hommes qui me regardent... Et je te vois,
Toi ! Comme tu es beau ! Tes yeux ressemblent au ciel et tes
cheveux semblent des rayons du soleil... et ton regard et ton sourire sont de
Dieu. Seigneur, je t'adore !"
Et il s'agenouille pour baiser le bord de son vêtement.
"Lève-toi, et viens vers ta mère qui pendant tant d'années a été pour
toi lumière et réconfort et de laquelle tu ne connais que l'amour."
Il le prend par la main et le conduit à sa mère qui est agenouillée à
quelques pas de distance, l'adorant, comme auparavant elle le suppliait.
"Lève-toi, femme. Voilà ton fils. Il voit la lumière du jour, et que son
cœur veuille suivre la Lumière éternelle. Retournez chez vous. Soyez heureux
et soyez saints par reconnaissance pour Dieu. Mais en passant dans les
villages, ne dites à personne que c'est Moi qui l'ai guéri, pour que la foule
ne se précipite pas ici pour m'empêcher d'aller où il est juste que j'aille
pour que j'apporte confirmation de foi, de lumière et de joie aux autres
enfants de mon Père."
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