Catéchèse du lundi 28 février 1944.
224> 34.10 - Jésus dit :
«Et maintenant ? Que vous dire, ô âmes qui sentez mourir votre foi ?
Rien ne pouvait apporter à ces sages d'Orient la certitude
de la vérité. Rien de surnaturel. Ils n’avaient que leurs calculs
d’astronomie et leur réflexion qu’une vie intègre rendait parfaite. Et
pourtant ils ont eu foi, foi en tout : dans la science, dans leur
conscience, dans la bonté de Dieu.
Par la science, ils ont cru au signe de la nouvelle étoile qui ne pouvait
être que “celle” que l’humanité attendait depuis des siècles : le Messie. Par ailleurs, ils ont eu
foi en la voix de leur conscience qui recevait des “voix” célestes et leur
disait : “C’est l’étoile qui indique l’avènement du Messie.” Grâce à
leur bonté, ils ont cru avec foi que Dieu ne les tromperait pas et que,
puisque leur intention était droite, il allait les aider de mille façons à
atteindre leur but.
Et ils y sont parvenus. Parmi tant de personnes qui étudient les signes, eux
seuls ont compris ce signe-là, car eux seuls avaient au fond du cœur le désir
de connaître les paroles de Dieu avec une intention droite, dont le but
principal était de rendre aussitôt à Dieu honneur et louange.
34.11 - Ils ne recherchaient pas
quelque intérêt personnel. Au contraire, ils vont au-devant de fatigues et de
dépenses, sans demander la moindre compensation humaine. Ils demandent
seulement à Dieu de se souvenir d’eux et de les sauver pour l’éternité.
De même qu’ils ne pensaient à aucune compensation humaine future, ils n’ont
aucune préoccupation humaine lorsqu’ils entreprennent ce voyage. Vous, vous
auriez coupé les cheveux en quatre de mille manières :
“Comment vais-je pouvoir faire un tel voyage dans des pays et parmi des
peuples d’une autre langue ? Va-t-on me croire ou m’emprisonner comme espion
? Quelle aide m’apportera-t-on pour traverser déserts, montagnes et fleuves ?
Et la chaleur ? Les vents des hauts plateaux ? Les fièvres qui règnent dans
les régions marécageuses ?
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225> Les fleuves gonflés par
les pluies ? Les différences de nourriture, de langues ? ” Et ainsi de suite.
C’est comme cela que, vous, vous raisonnez. Mais pas eux. Eux, ils disent
avec une sincère, une sainte audace : “Toi, mon Dieu, tu lis dans les
cœurs et tu vois quel est notre but. Nous nous remettons entre tes mains.
Accorde-nous la joie surnaturelle d’adorer ta deuxième Personne faite chair
pour le salut du monde.”
Cela suffit. Ils se mettent en route à partir des Indes lointaines, des chaînes de montagnes de Mongolie sur lesquelles planent
seulement les aigles et les vautours, où Dieu parle par le tumulte des vents
et des torrents, où il écrit de mystérieuses paroles sur les pages illimitées
des névés, des terres où le Nil naît puis coule, tel une veine bleu vert, à
la rencontre du cœur de la Méditerranée couleur d’azur. Ni pics, ni forêts,
ni sables, ni océans desséchés plus dangereux que les mers, rien n’arrête
leur marche. L’étoile brille sur leurs nuits, elle les empêche de dormir.
Quand on cherche Dieu, les habitudes animales doivent céder le pas aux
impatiences et aux nécessités surnaturelles.
L’étoile les amène du nord, de l’orient et du midi et, par un miracle de
Dieu, elle s’avance pour tous trois vers un même point comme, par un autre
miracle, elle les réunit après un tel parcours à cet endroit. Un troisième miracle leur donne, anticipation de la
sagesse de la Pentecôte, le don de se comprendre et de se faire comprendre
comme au Paradis, où l’on ne parle qu’une seule et même langue, celle de
Dieu.
34.12 - Un seul moment d’effroi
les assaille lorsque l’étoile disparaît.
Dans leur humilité – parce qu’ils sont réellement
grands –, ils n’imaginent pas que cela puisse être dû à
la méchanceté d’autrui et que les hommes corrompus de Jérusalem ne méritent
pas de voir l’étoile de Dieu. Ils pensent avoir eux-mêmes démérité de Dieu et
font leur examen de conscience, tremblants, contrits et déjà prêts à demander
pardon.
Mais leur conscience les rassure. Les âmes habituées à la méditation ont une
conscience extrêmement sensible, affinée par une attention constante, par une
introspection aiguë qui a fait de leur vie intérieure un miroir sur lequel se
reflètent les moindres traces des événements quotidiens.
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226> Ils s’en sont fait une
maîtresse, une voix qui les avertit et se fait entendre, je ne dis pas à la
moindre erreur, mais à un simple regard vers l’erreur, vers l’humain, vers la
complaisance pour leur moi. Par conséquent, quand ils se remettent en face de cette
maîtresse, de ce miroir sévère et limpide, ils savent qu’elle ne mentira pas.
Or, à cet instant, elle les rassure et ils reprennent courage.
“Ah, qu’il est doux de sentir que rien en nous ne s’oppose à Dieu ! Qu’il
regarde avec bienveillance l’âme de son enfant fidèle et la bénit… Ce
sentiment provoque un accroissement de la foi et de la confiance, de
l’espérance, de la force et de la patience. Certes, en ce moment c’est la
tempête. Mais elle passera, puisque Dieu m’aime et sait que je l’aime, et
jamais son aide ne me fera défaut.” Ainsi parlent ceux qui ont en eux la paix
que donne une conscience droite qui dirige souverainement chacun de leurs
actes.
34.13 - J’ai dit qu’ils étaient
“humbles parce qu’ils étaient réellement grands”. Dans votre vie, que se
passe-t-il au contraire ? Un individu n’est jamais humble, du fait qu’il est
grand, mais parce qu’il est vaniteux et tire sa puissance de son influence et
de votre sotte idolâtrie. Il y a des malheureux qui, pour la simple raison
qu’ils sont majordomes d’un puissant, huissiers d’un bureau, fonctionnaires
dans une administration, bref au service de celui qui leur a procuré cette
place, prennent des poses de demi-dieux. Comme ils font pitié !…
Mais eux, les trois, parce qu’ils étaient sages, étaient réellement grands.
D’abord par leurs vertus surnaturelles, ensuite par leur science, enfin par
leur richesse. Mais ils se considèrent comme moins que rien : poussière
sur la poussière de la terre par rapport au Dieu Très-Haut qui crée les
mondes par un sourire et les sème comme des grains de blé pour rassasier les
yeux des anges par des colliers d’étoiles.
Ils se considèrent comme moins que rien par rapport au Dieu très-haut qui a
créé la planète sur laquelle ils vivent et lui a donné une extraordinaire
variété. En Sculpteur infini d’œuvres sans limites, il y a disposé d’un coup
de pouce, ici un chapelet de douces collines, là une ossature de dômes et de
sommets en guise de vertèbres de la terre, de ce corps démesuré qui a pour
veines les rivières, pour bassins les lacs, pour cœur les océans, pour
vêtements les forêts, pour voiles les nuages, pour ornements les glaciers de
cristal, pour bijoux les turquoises et les émeraudes, les opales et les
béryls de toutes les eaux qui, avec les bois et les vents, chantent un grand
chœur de louanges à leur Seigneur.
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227> Mais malgré leur sagesse, ils
se sentent moins que rien face au Dieu très-haut dont cette sagesse provient
et qui leur a donné un regard plus pénétrant que celui de leurs yeux pour
voir les réalités : c’est le regard de l’âme qui sait reconnaître en toute
chose des paroles qu’aucune main humaine n’a écrites, mais qui ont été
gravées par la pensée de Dieu.
Malgré leurs richesses, ils se sentent moins que rien, un atome en
comparaison de la richesse du Maître de l’univers, qui sème métaux et pierres
précieuses sur les astres et les planètes, ainsi que des richesses en
profusion inépuisable dans le cœur de ceux qui l’aiment.
34.14 - Arrivés devant une pauvre
maison dans la plus insignifiante des villes de Juda, ils ne hochent pas la
tête en disant : “C’est impossible !” : ils s’inclinent, s’agenouillent,
s’humilient de tout leur cœur et adorent.
Dieu est là, derrière ce misérable mur, ce Dieu qu’ils ont toujours invoqué
sans jamais oser – même de très loin – espérer pouvoir le voir ; mais ils
l’invoquent pour le bien de l’humanité tout entière, et pour “leur” propre
bien éternel. Ah, ils n’espéraient que cela : pouvoir le voir, le connaître,
le posséder dans la vie qui ne connaît plus ni aubes ni crépuscules !
Il est là, derrière ce pauvre mur. Qui sait si son cœur d’enfant, qui est
toujours le cœur de Dieu, n’entend pas le cœur de ces trois hommes qui,
prosternés dans la poussière de la rue, s’écrient : “Saint, Saint, Saint !
Béni soit le Seigneur notre Dieu. Gloire, gloire, gloire et bénédiction” ?
Ils se le demandent avec un cœur tremblant d’amour.
Pendant la nuit et le matin suivant, c’est par la plus vive des prières
qu’ils préparent leur âme à communier à l’Enfant-Dieu. Ils ne vont pas vers
cet autel qu’est le sein virginal portant l’Hostie divine comme vous y allez,
vous, l’esprit habité de préoccupations matérielles. Ils oublient sommeil et
nourriture et, s’ils portent leurs plus beaux atours, ce n’est pas par vanité
humaine, mais pour faire honneur au Roi des rois. Les dignitaires entrent à
la cour des souverains avec leurs plus beaux vêtements.
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228> Les mages ne devraient-ils
donc pas s’avancer vers ce Roi en habits de fête ? Et quelle fête, pour eux,
pourrait être plus grande que celle-ci ?
Dans leurs contrées lointaines, ils ont dû maintes et maintes fois se parer
pour des hommes qui étaient leurs égaux, pour les fêter et leur faire
honneur. Il est donc juste de prosterner aux pieds du Roi suprême pourpre et
joyaux, soies et plumes précieuses, de déposer à ses pieds, à ses doux petits
pieds, les fibres de la terre, les parfums de la terre, les métaux de la
terre, les pierres précieuses de la terre – tout cela est son œuvre – pour
qu’elles aussi, ces richesses de la terre, adorent leur Créateur. Et ils
seraient heureux si ce petit Bébé leur ordonnait de s’allonger sur le sol
pour offrir un tapis vivant à ses premiers pas d’enfant et leur marchait sur
le corps, lui qui a quitté les étoiles pour eux, qui ne sont que poussière,
poussière, poussière.
34.15 - Ils sont humbles,
généreux, obéissants aux “voix” du Très-Haut qui leur enjoignent d’apporter des
cadeaux au Roi nouveau-né. C’est ce qu’ils font. Ils ne disent pas : “Il est
riche et n’a besoin de rien, il est Dieu et ne connaîtra pas la mort.” Ils
obéissent. Ils subviennent sans affectation à la pauvreté du Sauveur. Qu’il
sera utile, cet or, pour ceux qui demain seront des fugitifs ! Quel sens
revêt donc cette myrrhe pour celui qui sera bientôt mis à mort ! Quelle piété
dans cet encens pour celui qui devra respirer la puanteur de la luxure des
hommes qui s’exhale autour de son infinie pureté !
Ils sont humbles, généreux, obéissants et respectueux les uns des autres. Les
vertus engendrent toujours d’autres vertus. Après les vertus qui s’adressent
à Dieu, voici celles qui s’adressent aux autres. Le respect, qui devient
charité. Il appartient au plus âgé de parler au nom de tous, de recevoir en
premier le baiser du Sauveur et de le conduire par la main. Les autres
pourront encore le voir, mais pas lui : il est âgé, et le jour de son retour
à Dieu s’approche. Il le verra, le Christ, après sa mort cruelle, et il le
suivra dans le sillage des sauvés pour retourner au ciel. Mais il ne le verra
plus sur cette terre. Alors, il lui restera pour viatique la tiédeur de la
petite main qui s’est confiée à la main ridée.
Il n’y a aucune envie chez les autres, mais un respect plus grand pour le
vieux sage. Il a certainement plus de mérites qu’eux, et depuis plus
longtemps. L’Enfant-Dieu le sait.
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229> Si celui qui est la Parole
du Père ne sait pas encore parler, son geste est parole. Bénie soit son
innocente parole qui désigne celui-là comme son préféré !
34.16 - Mais, mes enfants, il y a
deux autres enseignements à tirer de cette vision.
C’est d’abord l’attitude de Joseph qui sait rester à “sa” place. Il est
présent en tant que gardien et protecteur de la Pureté et de la Sainteté,
mais il n’en usurpe pas les droits. C’est Marie qui, avec son Jésus, reçoit
les hommages et à qui les mages s’a dressent. Joseph s’en réjouit pour elle
et ne s’afflige pas d’être une figure secondaire. Joseph est un juste, il est
le Juste. Et il est toujours juste, même à ce moment-là. Les vapeurs de
la fête ne lui montent pas à la tête. Il reste humble et juste.
Il se réjouit des cadeaux. Non pas pour lui-même, mais parce qu’il pense
qu’ils lui serviront à rendre plus agréable la vie de son épouse et de son
doux enfant. Il n’y a aucune cupidité en Joseph. C’est un travailleur et il
continuera à travailler. Mais il se réjouit qu’eux, ses deux amours,
connaissent un peu d’aisance et de confort. Ni les mages ni lui ne savent que
ces dons serviront à une fuite et à une vie d’exil au cours desquelles ces
richesses s’évaporeront comme des nuages chassés par le vent, puis au retour
dans leur patrie. Ils auront alors tout perdu, clients et meubles. Il ne leur
restera que les murs de leur maison, protégée par Dieu parce que c’est là
qu’il s’est uni à la Vierge et s’est fait chair.
Joseph est humble, lui, le gardien de Dieu et de la Mère de Dieu et Épouse du
Très-Haut, jusqu’à présenter l’étrier à ces vassaux de Dieu.
C’est un pauvre charpentier, car la violence des hommes a dépouillé les
héritiers de David de leurs possessions royales. Mais il est toujours de race
royale et a les manières d’un roi. C’est aussi de lui qu’il a été dit : “Il
était humble parce qu’il était réellement grand.”
34.17 - Dernier enseignement,
doux et expressif :
C’est Marie qui prend la main de Jésus, qui ne sait pas encore bénir, et la guide
pour faire ce geste saint.
C’est toujours Marie qui prend la main de Jésus et la guide.
Aujourd’hui encore. Aujourd’hui, Jésus sait bénir. Mais il arrive que sa main
transpercée retombe, lasse et découragée, parce qu’il sait qu’il est inutile
de bénir. Vous détruisez ma bénédiction.
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230> Elle retombe encore sous
l’effet de l’indignation, parce que vous me maudissez. C’est alors Marie qui
contient cette indignation en déposant un baiser sur ma main. Ô le baiser de
ma Mère, qui saurait y résister ? Puis, de ses doigts délicats, mais avec un
amour si impérieux, elle saisit mon poignet et me force à bénir.
Je ne puis repousser ma Mère. Mais il vous faut aller à elle pour qu’elle
soit votre avocate. Elle est ma Reine avant d’être la vôtre, et son amour
pour vous a des indulgences que même le mien ne connaît pas. Sans paroles,
mais avec les perles de ses larmes et l’évocation de ma croix dont elle me
fait tracer le signe en l’air, elle plaide votre cause et m’exhorte :
“Tu es le Sauveur. Sauve !”
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