Le vendredi 16 juin
1944,
plus tard, à 10h30.
525> 430.1 – Je
vois Jésus, habillé de blanc et avec son manteau bleu foncé rejeté sur les
épaules, qui chemine par un petit chemin boisé, Il est boisé car d'un côté et
de l'autre il y a des arbres et des arbustes, et des sentiers coupent les
verts taillis mais ce ne doit pas être un endroit désert et éloigné des
habitations car on y rencontre souvent d'autres personnes. On dirait que
c'est un chemin qui unit deux villages voisins en traversant les propriétés
agricoles des habitants. C'est une région de plaines, et au loin on voit des
montagnes. Je ne sais pas quel est cet endroit.
Jésus, qui parlait avec ses disciples, s'arrête et écoute en regardant tout
autour de Lui, puis il prend un sentier dans le bois et va vers un groupe de
petits arbres et d'arbustes. Il se penche et cherche. Il trouve. Dans
l'herbe, il y a un nid. Je ne sais pas s'il a été abattu par la tempête,
comme le fait penser le sol humide et les branches qui
dégouttent encore comme après un orage, ou bien enlevé par quelqu'un puis
laissé. sur place pour éviter d'être surpris, la couvée en mains. Cela, je ne
le sais pas. Je vois seulement un petit nid de brins de foin entrelacés,
rempli de feuilles sèches, de duvet et de laine, dans lequel s'agitent en
piaillant cinq petits oiseaux de quelques jours, rouges, sans plumes, laids
avec leurs becs grands ouverts et leurs yeux exorbités. En haut, sur un
arbre, les parents poussent des cris désespérés.
Jésus ramasse soigneusement le nid. Il le tient dans le creux de la main et
il cherche des yeux l'endroit où il était, ou une place où il pourrait être
mis en sécurité. Il trouve un entrelacement de tiges de ronces si bien
disposé qu'il semble former un panier et si bien enfoncé dans le buisson que
le nid y sera en sécurité. Jésus confie le nid à Pierre et il est curieux de
voir cet homme trapu avec le petit nid dans ses mains courtes et calleuses.
Sans s'occuper des épines qui lui griffent les bras, il retrousse ses manches
longues et larges et travaille à rendre plus creux et plus abrité
l'entrelacement des ronces. C'est fait. Il reprend le nid et le place au
milieu et il le fixe avec de longues herbes cylindriques qui me semblent des
joncs très fins.
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526> Le nid est en sûreté. Jésus s'écarte et sourit. Puis il
se fait donner un morceau de pain par un disciple qui a un sac en bandoulière
et il en émiette un peu par terre, sur une grosse roche.
Jésus, maintenant, est content. Il se tourne pour revenir sur la grand-route,
alors que les oiseaux se précipitent avec des cris de joie sur le nid
maintenant sauvé.
430.2 – Un petit groupe d'hommes est arrêté au bord du chemin.
Jésus les trouve devant Lui et les regarde. Le sourire disparaît sur son
visage qui devient très sévère, je dirais sombre, alors qu'il était si plein
de pitié quand il ramassait le nid et si heureux quand il le voyait en place.
Jésus s'arrête, et il continue de regarder ses témoins imprévus. Il semble
regarder leurs cœurs avec leurs pensées secrètes. Il ne peut passer, parce
que le petit groupe barre le sentier, mais il se tait.
Pierre ne se tait pas.
"Laissez passer le Maître" dit-il.
"Tais-toi, nazaréen, répond un homme du groupe. Comment ton Maître
s'est-il permis d'entrer dans mon bois et y accomplir un travail
manuel un jour de sabbat ?"
Jésus le regarde en face avec une expression étrange. C'est et ce n'est pas
un sourire. En tous cas, ce n'est pas un sourire d'approbation. Pierre va
répliquer, mais Jésus prend la parole :
"Qui es-tu ?"
"Le maître de ce lieu : Yokhanan ben Zacchaï."
"Illustre scribe. Et que me reproches-tu ?"
"D'avoir violé le sabbat."
430.3 – "Yokhanan ben Zacchaï, tu connais le
Deutéronome ?"
"C'est à moi que tu le demandes ? À moi, vrai rabbi
d'Israël ?"
"Je sais ce que tu veux me dire : que Moi, n'étant pas scribe, mais
un pauvre galiléen, je ne puis être "rabbi". Mais je te demande
encore : "Connais-tu le Deutéronome?"
"Mieux que Toi, certainement."
"À la lettre... certainement, si c'est ce que tu veux dire. Mais son
véritable sens, le connais-tu ?"
"Ce qui est dit, est dit. Il n'y a qu'un sens."
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527>
"Il n'y a qu'un sens en fait. Et c'est un sens d'amour, ou de
miséricorde si tu ne veux pas l'appeler amour, ou même, si cela te choque de
l'appeler ainsi, appelle-le humanité.
Et le Deutéronome dit : "Si tu vois s'égarer la brebis ou le bœuf
de ton frère, même s'il n'est pas près de toi, tu ne passeras pas outre, mais
tu le lui reconduiras ou tu le lui garderas jusqu'à ce qu'il vienne le
reprendre ". Il dit : "Si tu vois tomber l'âne ou le
bœuf de ton frère, ne fais pas semblant de ne pas l'avoir vu, mais aide-le à
le relever ". Il dit : "Si tu trouves parterre ou sur
un arbre un nid, avec la mère en train de couver les petits ou les œufs, tu
ne prendras pas la mère car elle est consacrée à la procréation, mais tu
prendras seulement les petits".
J'ai vu par terre un
nid, et une mère qui pleurait sur lui. J'en ai eu pitié, parce que c'était
une mère et je lui ai rendu ses petits. Je n'ai pas cru avoir violé le sabbat
pour avoir consolé une mère. On ne doit pas laisser s'égarer .la brebis d'un
frère, la Loi ne dit pas que ce soit une faute de relever un âne le jour du
sabbat. Elle dit seulement qu'il faut user de miséricorde envers le frère et
d'humanité envers l'âne, créature de Dieu. J'ai pensé que Dieu avait créé
cette mère pour qu'elle procréât et qu'elle avait obéi au commandement de
Dieu et que l'empêcher d'élever ses petits, c'était faire obstacle à son
obéissance à un commandement divin.
Mais toi, cela, tu ne le comprends pas. Toi et les tiens, vous
regardez la lettre et non l'esprit. Toi et les tiens, vous ne pensez pas que
vous violez deux et même trois fois le sabbat, en rabaissant la
Parole divine à la petitesse de la mentalité humaine, en faisant obstacle à
un ordre de Dieu, en manquant de miséricorde à l'égard du prochain. Pour
blesser par un reproche, vous ne jugez pas qu'il est
mal de parler sans qu'il en soit besoin. Cela, qui est pourtant un
travail et qui n'est pas utile, pas nécessaire, pas bon, ne
vous paraît pas une violation du sabbat.
430.4 – Yokhanan ben Zacchaï, écoute-moi. Aujourd'hui tu
n'as pas pitié d'une fauvette à tête noire, et au nom des pratiques
pharisaïques tu la ferais mourir de douleur, et tu ferais périr ses petits
laissés à la portée de l'aspic et de l'homme pervers.
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528> Demain,
de la même manière, tu n'auras pas pitié d'une mère et tu la feras mourir de
douleur en faisant tuer sa descendance en disant qu'il est bien qu'il en soit
ainsi par respect pour ta loi, pour la tienne, pas pour celle
de Dieu, pour celle que toi et tes pareils vous vous êtes faite pour opprimer
les faibles et triompher, vous, les forts. Mais tu vois ? Les faibles
trouvent toujours un sauveur. Alors que les orgueilleux, ceux qui sont forts
selon la loi du monde, seront broyés par le poids même de leur lourde loi.
Adieu, Yokhanan
ben Zacchaï. Souviens-toi de cette heure et
veille, toi, à ne pas violer un autre sabbat par complaisance envers un crime
accompli."
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