Vision du lundi 9 juillet 1945
455> Je relis, pour récrire
certains mots inintelligibles, par pitié pour vos yeux, Père, ce que j'ai
écrit hier. Je suis désolée en le relisant... c'est tellement au-dessous de
ce que j'éprouvais pendant que je décrivais mon état d'âme ! Et pourtant
alors pour m'aider à exprimer ce que le Seigneur me faisait éprouver et par
peur de mal m'expliquer et pour en être soulagée - car c'est aussi une
souffrance, savez-vous ? - j'ai appelé mon Saint Jean. Je lui ai dit:
"Tu les connais bien, ces choses. Tu les as éprouvées. Aide- moi."
Et sa présence ne m'a pas manqué, ni son sourire d'éternel enfant bon, ni ses
caresses. Mais maintenant je sens que ma pauvre parole est tellement
inférieure au sentiment que j'éprouvais... Tout est paille de ce qui est
humain, il n'y a que le surnaturel qui soit de l'or. Mais ce qui est humain
ne le peut pas même décrire.
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L'intérieur
de la synagogue de Kériot. Au même endroit où Saül fut allongé mort sur le
sol après avoir vu la gloire future du Christ. Au
milieu d'un groupe serré émergent Jésus et Judas - les deux plus grands, tous
les deux le visage rayonnant, l'un par son amour, l'autre par la joie de voir
que sa ville est toujours fidèle au Maître et qu'elle Lui fait pompeusement
honneur - il y a d'abord les notables de Kériot et puis, plus loin de Jésus,
mais serrés comme des graines dans un sac, les habitants, et la
synagogue est si pleine qu'il est difficile de respirer, bien que les portes
soient ouvertes. Et pour faire honneur au Maître, pour l'écouter, ils
finissent par créer un désordre indescriptible et un bruit qui empêche
d'entendre.
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456> Jésus supporte tout en
silence. Mais les autres se fâchent, font des gestes et crient :
"Silence !" Mais le cri se perd dans le vacarme comme un cri
que l'on jette sur une plage pendant une tempête.
Judas ne fait pas d'histoires. Il monte sur un siège élevé
et frappe en plein les lampes suspendues en grappes au milieu d'eux. Le métal
creux résonne, et les chaînettes retentissent en se frappant, comme des
instruments de musique. Les gens se calment, et on peut enfin entendre parler
Jésus.
Il dit au chef de la synagogue : "Donne-moi le dixième rouleau de
cette étagère." Et l'ayant eu, il le déroule et le présente au chef de
la synagogue en lui disant : "Lis le 4ème chapitre de l'histoire,
dans le second livre des Macchabées."
Obéissant, le chef lit. Et les épreuves d'Onias, et
les erreurs de Jason et les trahisons et les vols de Ménélas défilent ainsi
devant la pensée des assistants. Le chapitre est terminé. Le lecteur regarde
Jésus qui a écouté attentivement.
Jésus fait signe que cela suffit, et puis il se tourne vers le peuple : "Dans
la ville de mon très cher disciple, je ne dirai pas les paroles habituelles
de mon enseignement. Nous resterons ici quelques jours et je veux que ce soit
lui qui vous les dise. Parce que c'est d'ici que je veux que commence le
contact direct, le continuel contact entre les apôtres et le peuple.
Il a été décidé en haute Galilée et là-bas il y eut une première lueur. Mais l'humilité
de mes disciples les a fait rentrer ensuite dans l'ombre parce qu'ils
craignent de ne pas savoir faire et d'usurper ma place. Non. Ils doivent le
faire et le feront bien et aideront leur Maître. Ici donc, en unissant dans
un seul amour les confins galiléens-phéniciens avec les terres de Juda, les
plus au midi, des frontières de la Palestine jusqu'aux pays du soleil et des
sables, doit commencer la véritable prédication apostolique. Car le Maître ne
suffit plus aux besoins des foules et parce qu'il est juste que les aiglons
quittent le nid et fassent leurs premiers vols pendant que le Soleil est
encore avec eux et que son aile robuste les conduit.
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457> Pendant ces jours, je serai
donc votre ami et votre réconfort. Eux seront la parole et iront semer les
graines que je leur ai données. Je ne vous adresserai donc pas d'enseignement
public, mais je vous donnerai une chose privilégiée. Une prophétie.
Je vous prie d'en garder le souvenir pour l'avenir lorsque l'évènement le
plus horrible de l'histoire humaine aura voilé le soleil et que, dans les
ténèbres, les cœurs pourront être amenés à des jugements erronés. Je ne veux
pas que vous soyez induits en erreur, vous qui dès le premier instant avez
été bons avec Moi. Je ne veux pas que le monde puisse dire :
"Kériot fut l'ennemie du Christ". Je suis juste. Je ne peux
permettre qu'une critique rancunière ou énamourée de Moi puisse, poussée par
l'aiguillon de son ressentiment, vous accuser de fautes à mon égard. Dans une
famille nombreuse, on ne peut exiger une égale sainteté de tous les enfants
et, de la même façon, on ne peut l'exiger dans une ville populeuse. Mais ce
serait très opposé à la charité de dire, pour un mauvais fils ou pour un
habitant qui n'est pas bon : "Toute la famille, ou toute la ville
est anathème".
Écoutez
donc, rappelez-vous, soyez toujours fidèles, et comme je vous aime au point
de vouloir vous défendre d'une accusation injuste, vous aussi, sachez aimer
ceux qui ne sont pas coupables. Toujours. Quels qu'ils soient. Quelle que
soit leur parenté avec les coupables. Maintenant écoutez. Il viendra un temps
où en Israël il y aura des gens qui pilleront le trésor et trahiront la
patrie lesquels, dans l'espoir de gagner l'amitié des étrangers, diront du
mal du véritable Grand Prêtre en l'accusant de s'allier avec les ennemis
d'Israël et de mal se conduire à l'égard des fils de Dieu. Et pour arriver à
leur but, ils seront capables de commettre des crimes dont ils feront porter
la responsabilité à l'Innocent. Et il viendra un temps, toujours en Israël
où, plus encore qu'au temps d'Onias, un infâme,
complotant d'être lui le Pontife, ira trouver les puissants d'Israël et les
corrompra avec l'or, et encore plus infâme, de paroles mensongères et, en
même temps, déformera la réalité des faits, ne parlera pas contre les fautes,
mais au contraire, poursuivant son but indigne, se mettra à changer les
coutumes pour avoir plus facilement prise sur les âmes privées de l'amitié de
Dieu : tout cela pour arriver à son but. Et il réussira. Oh !
Certainement ! Parce que si dans la demeure même sur le mont Moriah il n'y a pas les gymnases de l'impie Jason, en
réalité ils sont dans les cœurs des habitants du mont qui sont disposés à
vendre ce qui est bien plus qu'un terrain, leur conscience même. Les fruits
de l'antique erreur sont maintenant visibles et celui qui a des yeux pour
voir voit ce qui arrive là où devrait se trouver la charité, la pureté, la
justice, la bonté, une religion sainte et profonde. Mais s'il y a des fruits
qui déjà font trembler, les fruits nés des semences
qu'ils auront jetées ne seront pas seulement objets de crainte, mais de
malédiction divine.
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458> Et nous voilà à la prophétie
elle-même. En vérité je vous dis que celui qui a arraché la place et la
confiance grâce à un jeu prolongé et astucieux, celui-là livrera pour de
l'argent aux ennemis le Souverain Prêtre, le Vrai Prêtre. Trompé par des
protestations d'affection, désigné aux bourreaux par un acte d'amour, Lui
sera tué en dépit de toute justice. Quelles accusations adressera-t-on au
Christ, puisque c'est de Moi que je parle, pour justifier le droit de le
tuer ? Quel sort sera réservé à ceux qui agiront ainsi ? Un sort
immédiat d'effroyable justice. Un sort non pas individuel mais collectif pour
les complices du traître. Un sort plus lointain et encore plus effroyable que
celui de l'homme que le remords amènera à couronner sa vie de démon par le
dernier crime contre lui-même. Ce dernier, en effet, ne durera qu'un instant.
L'autre châtiment sera long, effroyable. Trouvez-le dans cette phrase :
"et enflammé d'indignation, il ordonna qu'Andronique
fût dépouillé de la pourpre et exécuté à l'endroit où il avait commis
l'impiété contre Onias".
Oui, la caste sacerdotale sera frappée dans ses enfants en plus que dans les exécuteurs
du crime. Et le destin de la masse complice, lisez-le dans ces paroles :
"La voix de ce sang crie vers Moi, de la terre. Tu seras donc maudit...".
Et c'est Dieu qui les dira à tout un peuple qui n'aura pas su protéger le don
du Ciel. Car, s'il est vrai que je suis venu pour racheter, malheur à ceux
qui seront des assassins et ne seront pas rachetés, parmi ce peuple qui aura
eu comme première rédemption ma Parole.
J'ai dit. Gardez-en le souvenir. Et, quand vous entendrez dire que je suis un
malfaiteur, dites: "Non, Lui l'a dit. C'est l'accomplissement de ce
qu'il a indiqué et Lui est la Victime mise à mort pour les péchés du
monde".
La synagogue se vide et tout le monde parle et gesticule à propos de la
prophétie et de l'estime que Jésus a pour Judas. Les gens de Kériot sont
exaltés par l'honneur que leur a fait le Messie en choisissant la ville d'un
apôtre, et précisément de l'apôtre de Kériot pour commencer le ministère
apostolique, et aussi pour le don de la prophétie. Car, si triste qu'elle
soit, c'est un grand honneur de l'avoir eue et avec les paroles d'amour qui
la précèdent...
Dans la synagogue, il reste Jésus et le groupe des apôtres. Ou plutôt ils
passent dans le jardinet qui se trouve entre la synagogue et la maison du
chef. Judas s'est assis, et il pleure.
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459> "Pourquoi
pleures-tu ? Je n'en vois pas le motif..." lui dit Jude.
"Mais voilà, je ferais bien comme lui. Vous avez entendu ?
Maintenant il faut que nous parlions..." dit Pierre.
"Mais nous l'avons déjà fait sur la montagne. Nous ferons toujours
mieux. Toi et Jean en avez été tout de suite capables" dit Jacques de
Zébédée pour les encourager.
"Le pire, c'est pour moi... mais Dieu m'aidera. N'est-ce pas
Maître ?" dit André.
Jésus, qui parcourait des rouleaux qu'il avait emportés avec Lui, se retourne
et dit : "Que disais-tu ?"
"Que Dieu m'aidera quand je devrai parler. Je chercherai à répéter tes
paroles le mieux que je pourrai. Mais mon frère a peur et Judas pleure."
"Tu pleures ? Pourquoi ?" demande Jésus.
"Parce que j'ai vraiment péché. André et Thomas peuvent le dire. J'ai
fait des médisances sur ton compte, et Toi tu me récompenses en m'appelant
"très cher disciple" et en voulant que j'enseigne ici... Quel
amour !"
"Mais tu ne le savais pas, que je t'aimais ?"
"Si, mais... Merci, Maître. Je ne médirais plus car je suis les ténèbres
et Toi tu es vraiment la Lumière."
Le chef de la synagogue revient et les invite dans sa maison. Et tout en
marchant, il dit à Jésus: "Je réfléchis à tes paroles. Si j'ai bien
compris, à Kériot, de même que tu as trouvé un préféré, notre Judas de Simon,
tu prophétises d'y trouver un indigne. Cela m'afflige. Heureusement que Judas
compensera l'autre..."
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