Le samedi 5 mai
1945.
507/508> 155.1 – Jésus dit :
"Petit Jean,
viens avec Moi. Je veux te faire écrire une instruction pour les consacrés
d'aujourd'hui. Vois et écris."
155.2 – Jésus est encore à Césarée Maritime. Il
n'est plus sur cette place d'hier mais plus à l'intérieur, en un endroit d'où
cependant l'on voit le port et les navires. Ici, il y a beaucoup d'entrepôts
et de boutiques. Et comme même par terre en cet endroit terreux il y a des
nattes couvertes de produits variés, j'en conclus que je suis près des
marchés qui peut-être étaient situés dans le voisinage du port et des
magasins pour la commodité des navigateurs et de ceux qui viennent acheter
les marchandises apportées par bateaux. L'endroit est tout bourdonnant des
allées et venues de la foule, Jésus attend avec Simon
et ses cousins que les autres aient pris les
vivres dont ils ont besoin. Des enfants regardent avec curiosité Jésus qui
les caresse doucement tout en parlant avec ses apôtres.
Jésus dit :
"il me déplaît de voir qu'on est mécontent parce que je vais vers les
gentils. Mais je ne peux que faire mon devoir et être bon avec tout le monde.
Efforcez-vous d'être bons, au moins vous trois et Jean; les autres vous
suivront par imitation."
"Mais
comment faire pour être bons avec tout le monde ? Enfin, ces gens nous
méprisent, nous oppriment, ne nous comprennent pas, sont remplis de
vices..." dit Jacques d'Alphée
en s'excusant.
"Comment faire ? Tu es content d'être né d'Alphée
et de Marie ?"
"Oui, bien sûr. Pourquoi me le demandes-tu ?"
"Si Dieu t'avait interrogé avant ta conception, aurais-tu voulu naître
d’eux ?"
"Mais, oui. Je ne comprends pas..:"
"Et si, au contraire, tu étais né d'un païen, en t'entendant accuser
d’avoir voulu naître d'un païen qu'est-ce que tu aurais dit ?"
"J’aurais dit... j'aurais dit : "Je n'en suis pas responsable.
Je suis né de lui, mais j'aurais pu naître d'un autre". J'aurais
dit : "Vous êtes injustes en m'accusant. Si je ne fais pas de mal,
pourquoi me haïssez-vous ?"
"Tu l’as dit. Ceux-ci aussi, que vous méprisez parce que païens, peuvent
dire la même chose. Tu n'as pas de mérite d'être né d’Alphée, véritable
israélite. Tu dois seulement en remercier l’Éternel parce qu'il t'a fait un
grand don, et par reconnaissance et humilité chercher à amener au Dieu vrai
ceux qui n'ont pas reçu ce don.
155.3 – Il faut être bon."
"Il est difficile d'aimer ceux qu'on ne connaît pas !"
"Non. Regarde. Toi, petit, viens ici."
Un garçon s'approche d'environ huit ans, qui joue dans un coin avec deux
autres camarades. Un garçon robuste aux cheveux très bruns alors que son
teint est très blanc.
"Qui es-tu ?"
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509> "Je suis
Lucius, Caïus Lucius fils de Caïus Marius,
je suis romain, fils du décurion
de garde resté ici après avoir été blessé."
"Et ceux-ci qui sont-ils ?"
"Ce sont Isaac et Tobie. Mais on ne doit pas le dire, parce qu'ils
seraient punis"
"Pourquoi ?"
"Parce qu'eux sont hébreux, et moi je suis romain, et on ne peut
pas."
"Mais tu restes avec eux. Pourquoi ?"
"Parce que nous nous aimons bien. Nous jouons toujours ensemble aux dés,
ou à sauter. Mais on se cache."
"Et Moi, tu m'aimerais bien ? Je suis hébreu, Moi aussi et je ne suis
pas un enfant. Réfléchis : je suis un maître, comme qui dirait un
prêtre."
"Et qu'est-ce que cela peut me faire à moi ? Si tu m'aimes bien, je
t'aime bien et je t'aime bien parce que tu m'aimes bien."
"Comment le sais-tu ?"
"Parce que tu es bon. Celui qui est bon aime bien."
"Voilà, mes amis, le secret pour aimer : être bons. Alors on aime
sans se demander si untel a ou non la même foi."
Et Jésus, tenant par la main le petit Caïus Lucius, s'en va caresser les
petits hébreux qui effrayés se sont cachés derrière une porte cochère, et il
leur dit :
"Les enfants qui sont bons sont des anges. Les anges ont une seule
patrie : le Paradis, Ils ont une seule religion : celle du Dieu
unique. Ils ont un seul Temple : le cœur de Dieu. Aimez-vous bien, comme
des anges, toujours."
"Mais, si on nous voit, on nous frappe..."
Jésus secoue tristement la tête et ne réplique pas...
155.4 – Une femme grande et
plantureuse appelle Lucius qui quitte Jésus en criant :
"La maman !" et il crie à la femme :
"J'ai un grand ami, sais-tu ? C’est un maître !…"
La femme ne s'éloigne pas avec son fils mais au contraire vient vers Jésus et
l'interroge :
"Salut .
Es-tu l'homme de Galilée qui hier parlait au port ?"
"Oui, c'est Moi."
"Attends-moi ici alors. J'aurai vite fait." et elle s'en va avec le
petit.
Entre temps même les autres apôtres sont arrivés, sauf Matthieu et Jean. Ils
demandent :
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510> "Qui était-ce ?"
"Une romaine, je crois." répondent Simon et les autres.
"Et que voulait-elle ?"
"Elle a dit d'attendre ici. Nous allons le savoir."
Des gens, pendant ce temps, se sont approchés et attendent avec curiosité.
La femme revient avec d'autres romains.
"Tu es donc le Maître ?" demande quelqu'un qui semble le
serviteur d'une maison riche. Et en ayant eu confirmation, il demande :
"Cela t’ennuierait-il de guérir une petite fille d'une amie de
Claudia ? L'enfant est mourante car elle s'étouffe et le médecin ne sait
pas de quoi elle meurt. Hier soir elle était en bonne santé. Ce matin elle
est à l'agonie."
"Allons-y."
Ils font quelques pas dans une rue qui mène à l'endroit où ils étaient hier
et arrivent au portail grand ouvert d'une maison qui semble habitée par des
romains.
"Attends un moment."
L'homme entre rapidement et revient aussitôt en disant :
"Viens."
155.5 – Mais, avant même que Jésus
puisse entrer, en sort une jeune femme d’aspect distingué mais visiblement
tourmentée. Elle a dans les bras une petite fille de quelques mois qui
s'abandonne, livide comme quelqu'un qui se noie. Je dirais qu'elle a une
diphtérie mortelle
et qu'elle est sur le point de mourir. La femme se réfugie sur
la poitrine de Jésus, comme un naufragé sur un écueil. Ses pleurs sont tels
qu'elle ne peut parler.
Jésus prend la petite qui a de petits mouvements convulsifs dans ses menottes
cireuses aux ongles déjà violets. Il la lève. Sa petite tête pend sans force,
en arrière. La mère, sans aucun orgueil de romaine devant un hébreu, s'est
glissée aux pieds de Jésus, dans la poussière, et elle sanglote le visage
levé, les cheveux à moitié défaits, les bras tendus qui s'accrochent au
vêtement et au manteau de Jésus. Derrière et autour, des romains de la maison
et des hébreux de la ville qui regardent.
Jésus mouille son index droit avec de la salive et le met dans la petite
bouche haletante, l'enfonce profondément. La fillette se débat et devient
encore plus noire. La mère crie : "Non ! Non !" et
semble se tordre sous un couteau qui la transperce. Les gens retiennent leur
souffle.
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511> Mais le doigt de Jésus sort avec un
amas de membranes purulentes. La fillette ne se débat plus et, après avoir
versé quelques larmes, se calme avec un sourire innocent, agitant ses
menottes et remuant les lèvres comme un oiseau qui pépie en battant des
ailes, en attendant la becquée.
"Prends-la, femme. Donne-lui le lait. Elle est guérie."
La mère est tellement abasourdie, qu'elle prend la petite et restant comme
elle est, dans la poussière, la baise, la caresse, lui donne le sein, folle,
oublieuse de tout ce qui n'est pas sa petite.
Un romain demande à Jésus :
"Mais comment as-tu pu ? Je suis le médecin du proconsul et je suis
savant. J'ai essayé d'enlever l'obstacle, mais il était enfoncé, trop
enfoncé !... Et toi... ainsi..."
"Tu es savant, mais tu n'as pas le Dieu vrai avec toi. Que Lui en soit
béni ! Adieu."
Et Jésus va s'éloigner.
155.6 – Mais voici qu'un petit groupe
d'israélites éprouve le besoin d’intervenir.
"Comment t'es-tu permis d'aborder des étrangers ? Ils sont corrompus, impurs et quiconque les approche devient comme eux."
Jésus les regarde - ils sont trois - fixement, avec sévérité, et puis il
parle :
"N'es-tu pas Aggée ? L'homme d'Azot
venu ici au mois de Tisri dernier
pour chercher à conclure des affaires avec un marchand qui réside près des
fondations de la vieille source ? Et toi, n'es-tu pas Joseph de Rama,
venu ici pour consulter le médecin romain et, comme Moi, tu sais
pourquoi ? Et alors ? Vous ne vous croyez pas impurs ?"
"Le médecin n'est jamais un étranger. Il soigne le corps, et le corps
est le même pour tous."
"L'âme aussi, plus que le corps. Du reste, qu'est-ce que j'ai
soigné ? Le corps innocent d'une enfant, et de la même manière j'espère
guérir les âmes des étrangers, qui ne sont pas innocentes. Comme médecin et
comme Messie, je puis donc aborder n'importe qui."
"Non. Tu ne le peux pas."
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512> "Non, Aggée ? Et toi
pourquoi fais-tu des affaires avec un marchand romain ?"
"Il ne m'est voisin que par la marchandise et l'argent."
"Et, parce que tu ne touches pas sa chair mais seulement ce que sa main
a touché, il ne te semble pas que tu te contamines. Oh ! aveugles et
cruels !
155.7 – Écoutez tous. Justement dans
le livre du Prophète dont cet homme porte le nom, il est dit :
"Adresse aux prêtres cette question sur la Loi :
'Si un homme porte de la chair sanctifiée dans un pan de son vêtement et
qu'avec il touche ensuite du vin ou des plats, du pain ou de l'huile, ou
d'autres aliments, seront-ils sanctifiés ?' Et les prêtres ont
répondu : "Non" .
Alors Aggée dit : 'Si quelqu'un, impur pour avoir touché un mort, touche
une de ces choses, sera-t-elle souillée ?' Et les prêtres ont
répondu : "Oui".
Par cette façon rusée, mensongère, incohérente d'agir, vous excluez et
condamnez le Bien et vous n'acceptez que ce qui favorise vos intérêts. Alors,
plus de mépris ni de dégoût C'est pour éviter un dommage personnel que vous
décidez si une chose est impure ou rend impur, si une autre ne l'est pas. Et,
comment pouvez-vous, bouches de mensonge, professer que si ce qui est
sanctifié pour avoir touché une chair sainte ou une chose sainte ne sanctifie
pas ce qu'il touche, et que ce qui a touché une chose impure puisse rendre
impur ce qu'il touche ?
Vous ne comprenez pas que vous vous démentez, ministres menteurs d'une Loi de
Vérité qui en tirez parti en la tordant comme une corde à seule fin d'en
sortir quelque chose qui serve vos intérêts. Pharisiens hypocrites
qui sous un prétexte religieux déversez votre rancœur humaine, toute humaine,
profanateurs de ce qui appartient à Dieu. Ennemis de l'Envoyé de Dieu que
vous insultez ? En vérité, en vérité je vous dis que chacun de vos
actes, chacune de vos conclusions, chacune de vos démarches est mue par tout
un mécanisme astucieux auquel servent de roues, de ressorts, de poids et de
tirants, vos égoïsmes, vos passions, vos manques de sincérité, vos haines,
votre soif de domination, vos envies.
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513> C’est honteux ! Avides,
tremblant de peur, haineux, vous vivez dans la peur orgueilleuse qu’un autre
vous soit supérieur, même s’il n'est pas de votre caste. Et vous méritez
alors d'être comme celui qui vous inspire la peur et la colère ! Vous
qui, comme dit Aggée, d'un tas de vingt boisseaux en faites un de dix et d'un
tas de cinquante barils en faites un de vingt en empochant la différence
alors que, pour l'exemple que vous devriez donner à l'homme et pour l'amour
que vous devriez donner à Dieu, vous devriez au tas de boisseaux et au tas de
barils non pas enlever mais ajouter de votre propre bien pour ceux qui ont
faim. Vous méritez que le vent brûlant, que la rouille et la grêle
stérilisent toutes les œuvres de vos mains.
Quels sont parmi vous ceux qui viennent à Moi ? Ceux-là, ceux-là qui
pour vous sont fumier et immondices, ces ignorances totales qui ne savent
même pas qu'existe le vrai Dieu, viennent ceux à qui ce Dieu se rend présent
dans les paroles et dans les œuvres. Mais vous, mais vous ! Vous vous
êtes fait une niche et y demeurez. Arides, froids comme des idoles attendant
l'encens et les adorations. Et puisque vous vous croyez des dieux, il vous
paraît inutile de penser au vrai Dieu comme Il doit être pensé, et comme il
vous semble dangereux que les autres, en dehors de vous, osent ce que vous,
vous n’osez pas. Vous ne le pouvez pas, en vérité, l'oser, puisque vous êtes
des idoles et parce que vous êtes les serviteurs de l’Idole. Mais celui qui
ose peut, parce que ce n’est pas lui, mais Dieu qui opère en lui.
155.8 – Allez ! Rapportez à ceux
qui vous ont envoyés sur mes talons que je dédaigne les marchands qui
n’estiment pas contamination le fait de vendre les marchandises ou la patrie
ou le Temple à ceux dont ils reçoivent de l’argent. Dites-leur que j’ai du
dégoût pour les brutes qui ont seulement le culte de leur propre chair, de
leur propre sang, et qui pour leur guérison
n'estiment pas contamination les visites à un médecin étranger. Dites-leur
qu'il y a une seule mesure, égale pour tous et non pas deux mesures.
Dites-leur que Moi, le Messie, le Juste, le Conseiller, l'Admirable ,
Celui qui aura sur Lui l'Esprit du Seigneur avec ses sept dons ,
Celui qui ne jugera pas selon les apparences, mais selon ce qui se cache dans
les cœurs, Celui qui ne condamnera pas d'après ce qu'il entend par ses
oreilles, mais d'après les voix de l'esprit qu'il entendra au-dedans de
chaque homme ,
Celui qui prendra la défense des humbles et jugera les pauvres avec justice,
Celui que je suis, parce que je suis cela, est déjà en train de juger et de
frapper ceux qui sur la terre ne sont que terre, et le souffle de ma
respiration fera mourir l'impie et détruira son repaire ,
alors qu'il sera Vie et Lumière, Liberté et Paix pour ceux qui, désirant la
justice et la foi, viendront à ma montagne sainte pour se rassasier de la
Science du Seigneur.
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514/515> Cela est d'Isaïe,
n'est-ce pas ?
Mon
peuple ! Tout vient d'Adam et Adam vient de mon Père. Tout est donc
œuvre du Père, et j'ai le devoir de vous rassembler tous au Père. Et Moi, je
te les conduis, Père saint, éternel, puissant, je te les amène, les fils
errants, après les avoir rassemblés en les appelant avec les voix de l'amour,
en les rassemblant sous ma verge pastorale semblable à celle que Moïse éleva
contre les serpents dont la morsure était mortelle. Pour que Tu aies ton
Royaume et ton peuple .
Et je ne fais pas de différence entre les hommes parce qu'au fond de
chaque vivant je vois un point plus brillant que le feu : l'âme, une
étincelle qui vient de Toi, éternelle Splendeur. O mon éternel désir ! O
mon inlassable volonté !
C'est cela que je veux, c'est de cela dont je brûle. Une terre qui tout
entière chante ton Nom. Une humanité qui t'appelle Père. Une Rédemption qui
les sauve tous. Une volonté fortifiée qui les rende tous soumis à ta volonté.
Un triomphe éternel qui remplisse le Paradis d'un hosanna sans fin...
Oh ! Multitude des Cieux !... Voici que je vois le sourire de
Dieu... et ceci est une compensation pour toute la dureté des hommes."
155.9 – Les trois se sont enfuis sous
la grêle des reproches. Tous les autres, romains ou hébreux, sont restés,
bouche bée. La femme romaine avec la petite rassasiée de lait, qui dort
tranquille sur le sein maternel est restée où elle était, presque aux pieds
de Jésus, et elle pleure de joie maternelle et de joie spirituelle. Un grand
nombre pleurent à la conclusion irrésistible de Jésus qui paraît flamboyer
dans son extase.
Et Jésus abaissant les yeux et son esprit du Ciel sur la terre, voit la
foule, voit la mère... et en passant, après un geste d'adieu à tous, effleure
de la main la jeune romaine comme pour la bénir à cause de sa foi. Et Il s'en
va avec les siens pendant que les gens encore sous le coup de l'émotion
restent en place…
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