Liste des sigles
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Article 1 - Je crois en Dieu
Paragraphe 3 - Le Tout-Puissant
268
De tous les attributs divins, seule la Toute-Puissance de Dieu est nommée
dans le Symbole : la confesser est d’une grande portée pour notre vie. Nous
croyons qu’elle est universelle, car Dieu qui a tout créé (cf. Genèse
1, 1 ; Jn 1, 3), régit tout et peut tout ; aimante, car Dieu
est notre Père (cf. Matthieu 6, 9) ; mystérieuse, car seule la
foi peut la discerner lorsqu’ " elle se déploie dans la faiblesse "
(2Corinthiens 12, 9 ; cf. 1Corinthiens 1, 18).
"Tout ce qu’Il veut, Il le fait" (Ps 115, 3)
269
Les Saintes Écritures
confessent à maintes reprises la puissance universelle de Dieu. Il est
appelé " Le Puissant de Jacob " (Genèse 49, 24 ; Is
1, 24 e.a.), " le Seigneur des armées ", " le
Fort, le Vaillant " (Ps 24, 8-10). Si Dieu est Tout-Puissant
" au ciel et sur la terre " (Ps 135, 6), c’est qu’il les
a faits. Rien ne lui est donc impossible (cf. Jr 32, 17 ; Lc 1, 37) et
il dispose à son gré de son œuvre (cf. Jr 27, 5) ; il est le Seigneur de
l’univers dont il a établi l’ordre qui lui demeure entièrement soumis et
disponible ; il est le Maître de l’histoire : il gouverne les cœurs
et les événements selon son gré (cf. Est 4, 17b ; Pr 21, 1 ; Tb 13,
2) : " Ta grande puissance est toujours à ton service, et qui
peut résister à la force de ton bras ? " (Sg 11, 21).
"Tu as pitié de tous, parce que Tu peux tout" (Sg 11, 23)
270
Dieu est le Père Tout-Puissant.
Sa paternité et sa puissance s’éclairent mutuellement. En effet, il montre sa
Toute-Puissance paternelle par la manière dont Il prend soin de nos besoins
(cf. Matthieu 6, 32) ; par l’adoption filiale qu’il nous donne
(" Je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et
des filles, dit le Seigneur Tout-Puissant " : 2Corinthiens 6,
18) ; enfin par sa miséricorde infinie, puisqu’il montre sa puissance au
plus haut point en pardonnant librement les péchés.
271
La Toute-Puissance
divine n’est nullement arbitraire : " En Dieu la puissance et
l’essence, la volonté et l’intelligence, la sagesse et la justice sont une
seule et même chose, de sorte que rien ne peut être dans la puissance divine
qui ne puisse être dans la juste volonté de Dieu ou dans sa sage
intelligence " (S. Thomas d’A., s. th. 1, 25, 5, ad 1).
Le mystère de l’apparente impuissance
de Dieu
272
La foi en Dieu le Père
Tout-Puissant peut-être mise à l’épreuve par l’expérience du mal et de la
souffrance. Parfois Dieu peut sembler absent et incapable d’empêcher le mal.
Or, Dieu le Père a révélé sa Toute-Puissance de la façon la plus mystérieuse
dans l’abaissement volontaire et dans la Résurrection de son Fils, par
lesquels Il a vaincu le mal. Ainsi, le Christ crucifié est
" puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de
Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus
fort que les hommes " (1Corinthiens 1, 24-25). C’est dans la
Résurrection et dans l’exaltation du Christ que le Père a " déployé
la vigueur de sa force " et manifesté " quelle extraordinaire
grandeur revêt sa puissance pour nous les croyants " (Éphésiens
1,19-22).
273
Seule la foi peut
adhérer aux voies mystérieuses de la Toute-Puissance de Dieu. Cette foi se
glorifie de ses faiblesses afin d’attirer sur elle la puissance du Christ
(cf. 2Corinthiens 12, 9 ; Ph 4, 13). De cette foi, la Vierge Marie est
le suprême modèle, elle qui a cru que " rien n’est impossible à
Dieu " (Lc 1, 37) et qui a pu magnifier le Seigneur :
" Le Puissant fit pour moi des merveilles, saint est son
nom " (Lc 1, 49).
274 " Rien
n’est donc plus propre à affermir notre Foi et notre Espérance que la
conviction profondément gravée dans nos âmes que rien n’est impossible à
Dieu. Car tout ce que [le Credo] nous proposera ensuite à croire, les choses
les plus grandes, les plus incompréhensibles, aussi bien que les plus élevées
au-dessus des lois ordinaires de la nature, dès que notre raison aura
seulement l’idée de la Toute-Puissance divine, elle les admettra facilement
et sans hésitation aucune " (Catech. R. 1, 2, 13).
En bref
275
Avec Job, le juste, nous confessons : " Je sais que Tu es
Tout-Puissant : ce que Tu conçois, Tu peux le réaliser " (Jb
42, 2).
276 Fidèle au témoignage de l’Écriture, l’Église adresse
souvent sa prière au " Dieu Tout-Puissant et éternel "
(" omnipotens sempiterne Deus... "), croyant fermement
que " rien n’est impossible à Dieu " (Lc 1, 37 ; cf.
Genèse 18, 14 ; Matthieu 19, 26).
277 Dieu manifeste sa Toute-Puissance en nous convertissant de
nos péchés et en nous rétablissant dans son amitié par la grâce :
" Dieu, qui donnes la preuve suprême de ta puissance, lorsque tu
patientes et prends pitié... " (MR, collecte du 26e
dimanche).
278 A moins de croire que l’amour de Dieu est Tout-Puissant,
comment croire que le Père a pu nous créer, le Fils nous racheter, l’Esprit
Saint nous sanctifier ?
Paragraphe 4 - Le Créateur
279
" Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre "
(Genèse 1, 1). C’est avec ces paroles solennelles que commence l’Écriture
Sainte. Le Symbole de la foi reprend ces paroles en confessant Dieu le Père
Tout-puissant comme " le Créateur du ciel et de la
terre ", " de l’univers visible et invisible ".
Nous parlerons donc d’abord du Créateur, ensuite de sa création, enfin de la chute
du péché dont Jésus-Christ, le Fils de Dieu, est venu nous relever.
280
La création est le
fondement de "tous les desseins salvifiques de Dieu", "le
commencement de l’histoire du salut" (Directorium Catecheticum Generale
51) qui culmine dans le Christ. Inversement, le mystère du Christ est la
lumière décisive sur le mystère de la création ; il révèle la fin en vue
de laquelle, "au commencement, Dieu créa le ciel et la terre"
(Genèse 1, 1) : dès le commencement, Dieu avait en vue la gloire de la
nouvelle création dans le Christ (cf. Romains 8, 18-23).
281
C’est pour cela que
les lectures de la Nuit Pascale, célébration de la création nouvelle dans le
Christ, commencent par le récit de la création ; de même, dans la
liturgie byzantine, le récit de la création constitue toujours la première
lecture des vigiles des grandes fêtes du Seigneur. Selon le témoignage des
anciens, l’instruction des catéchumènes pour le baptême suit le même chemin
(cf. Ethérie, pereg. 46 : PLS 1, 1089-1090 ; S. Augustin, catech.
3, 5).
I. La catéchèse sur la Création
282
La catéchèse sur la Création revêt une importance capitale. Elle concerne les
fondements mêmes de la vie humaine et chrétienne : car elle explicite la
réponse de la foi chrétienne à la question élémentaire que les hommes de tous
les temps se sont posée : " D’où
venons-nous ? " " Où allons-nous ? "
" Quelle est notre origine ? " " Quelle
est notre fin ? " " D’où vient et où va tout ce qui
existe ? " Les deux questions, celle de l’origine et celle de
la fin, sont inséparables. Elles sont décisives pour le sens et l’orientation
de notre vie et de notre agir.
283
La question des
origines du monde et de l’homme fait l’objet de nombreuses recherches
scientifiques qui ont magnifiquement enrichi nos connaissances sur l’âge et
les dimensions du cosmos, le devenir des formes vivantes, l’apparition de
l’homme. Ces découvertes nous invitent à admirer d’autant plus la grandeur du
Créateur, de lui rendre grâce pour toutes ses œuvres et pour l’intelligence
et la sagesse qu’il donne aux savants et aux chercheurs. Avec Salomon,
ceux-ci peuvent dire : " C’est Lui qui m’a donné la science
vraie de ce qui est, qui m’a fait connaître la structure du monde et les
propriétés des éléments (...) car c’est l’ouvrière de toutes choses qui m’a
instruit, la Sagesse " (Sg 7, 17-21).
284
Le grand intérêt
réservé à ces recherches est fortement stimulé par une question d’un autre
ordre, et qui dépasse le domaine propre des sciences naturelles. Il ne s’agit
pas seulement de savoir quand et comment a surgi matériellement le cosmos, ni
quand l’homme est apparu, mais plutôt de découvrir quel est le sens d’une
telle origine : si elle est gouvernée par le hasard, un destin aveugle,
une nécessité anonyme, ou bien par un Être transcendant, intelligent et bon,
appelé Dieu. Et si le monde provient de la sagesse et de la bonté de Dieu,
pourquoi le mal ? D’où vient-il ? Qui en est responsable ? Et
y en a-t-il une libération ?
285
Depuis ses débuts, la
foi chrétienne a été confrontée à des réponses différentes de la sienne sur
la question des origines. Ainsi, on trouve dans les religions et les cultures
anciennes de nombreux mythes concernant les origines. Certains philosophes
ont dit que tout est Dieu, que le monde est Dieu, ou que le devenir du monde
est le devenir de Dieu (panthéisme) ; d’autres ont dit que le monde est
une émanation nécessaire de Dieu, s’écoulant de cette source et retournant
vers elle ; d’autres encore ont affirmé l’existence de deux principes
éternels, le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres, en lutte permanente
(dualisme, manichéisme) ; selon certaines de ces conceptions, le monde
(au moins le monde matériel) serait mauvais, produit d’une déchéance, et donc
à rejeter ou à dépasser (gnose) ; d’autres admettent que le monde ait
été fait par Dieu, mais à la manière d’un horloger qui l’aurait, une fois
fait, abandonné à lui-même (déisme) ; d’autres enfin n’acceptent aucune
origine transcendante du monde, mais y voient le pur jeu d’une matière qui
aurait toujours existé (matérialisme). Toutes ces tentatives témoignent de la
permanence et de l’universalité de la question des origines. Cette quête est
propre à l’homme.
286
L’intelligence humaine
peut, certes, déjà trouver une réponse à la question des origines. En effet,
l’existence de Dieu le Créateur peut être connue avec certitude par ses
œuvres grâce à la lumière de la raison humaine (cf. DS 3026), même si cette
connaissance est souvent obscurcie et défigurée par l’erreur. C’est pourquoi
la foi vient confirmer et éclairer la raison dans la juste intelligence de
cette vérité : " Par la foi, nous comprenons que les mondes
ont été formés par une parole de Dieu, de sorte que ce que l’on voit provient
de ce qui n’est pas apparent " (He 11, 3).
287
La vérité de la
création est si importante pour toute la vie humaine que Dieu, dans sa tendresse,
a voulu révéler à son Peuple tout ce qui est salutaire à connaître à ce
sujet. Au-delà de la connaissance naturelle que tout homme peut avoir du
Créateur (cf. Ac 17, 24-29 ; Romains 1, 19-20), Dieu a progressivement
révélé à Israël le mystère de la création. Lui qui a choisi les patriarches,
qui a fait sortir Israël d’Égypte, et qui, en élisant Israël, l’a créé et
formé (cf. Is 43, 1), il se révèle comme celui à qui appartiennent tous les
peuples de la terre, et la terre entière, comme celui qui, seul,
" a fait le ciel et la terre " (Ps 115, 15 ; 124,
8 ; 134, 3).
288
Ainsi, la révélation
de la création est inséparable de la révélation et de la réalisation de
l’alliance de Dieu, l’Unique, avec son Peuple. La création est révélée comme
le premier pas vers cette alliance, comme le premier et universel témoignage
de l’amour Tout-Puissant de Dieu (cf. Genèse 15, 5 ; Jr 33, 19-26).
Aussi, la vérité de la création s’exprime-t-elle avec une vigueur croissante
dans le message des prophètes (cf. Is 44, 24), dans la prière des psaumes
(cf. Ps 104) et de la liturgie, dans la réflexion de la sagesse (cf. Pr 8,
22-31) du Peuple élu.
289
Parmi toutes les
paroles de l’Écriture Sainte sur la création, les trois premiers chapitres de
la Genèse tiennent une place unique. Du point de vue littéraire ces textes
peuvent avoir diverses sources. Les auteurs inspirés les ont placés au
commencement de l’Écriture de sorte qu’ils expriment, dans leur langage
solennel, les vérités de la création, de son origine et de sa fin en Dieu, de
son ordre et de sa bonté, de la vocation de l’homme, enfin du drame du péché
et de l’espérance du salut. Lues à la lumière du Christ, dans l’unité de
l’Écriture Sainte et dans la Tradition vivante de l’Église, ces paroles
demeurent la source principale pour la catéchèse des mystères du
"commencement" : création, chute, promesse du salut.
II. La création – œuvre de la Sainte
Trinité
290
" Au
commencement, Dieu créa le ciel et la terre " (Genèse 1, 1) :
trois choses sont affirmées dans ces premières paroles de l’Écriture :
le Dieu éternel a posé un commencement à tout ce qui existe en dehors de lui.
Lui seul est créateur (le verbe " créer " – en hébreu bara
– a toujours pour sujet Dieu). La totalité de ce qui existe (exprimé par la
formule " le ciel et la terre ") dépend de Celui qui lui
donne d’être.
291
" Au
commencement était le Verbe (...) et le Verbe était Dieu. (...) Tout a été
fait par lui et sans lui rien n’a été fait " (Jn 1, 1-3). Le
Nouveau Testament révèle que Dieu a tout créé par le Verbe Éternel, son Fils
bien-aimé. C’est en lui " qu’ont été créées toutes choses, dans les
cieux et sur la terre (...) tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant
toute chose et tout subsiste en lui " (Col 1, 16-17). La foi de
l’Église affirme de même l’action créatrice de l’Esprit Saint : il est
le " donateur de vie " (Symbole de Nicée-Constantinople),
" l’Esprit Créateur " (" Veni, Creator
Spiritus "), la " Source de tout bien "
(Liturgie byzantine, Tropaire des vêpres de Pentecôte).
292
Insinuée dans l’Ancien
Testament (cf. Ps 33, 6 ; 104, 30 ; Genèse 1, 2-3), révélée dans la
Nouvelle Alliance, l’action créatrice du Fils et de l’Esprit, inséparablement
une avec celle du Père, est clairement affirmée par la règle de foi de
l’Église : " Il n’existe qu’un seul Dieu (...) : il est
le Père, il est Dieu, il est le Créateur, il est l’Auteur, il est
l’Ordonnateur. Il a fait toutes choses par lui-même, c’est-à-dire par
son Verbe et par sa Sagesse " (S. Irénée, hær. 2, 30, 9),
" par le Fils et l’Esprit " qui sont comme
" ses mains " (ibid., 4, 20, 1). La création est l’œuvre
commune de la Sainte Trinité.
III.
" Le monde a été créé pour la gloire de Dieu "
293
C’est une vérité
fondamentale que l’Écriture et la Tradition ne cessent d’enseigner et de
célébrer : " Le monde a été créé pour la gloire de
Dieu " (Cc. Vatican I : DS 3025). Dieu a créé toutes choses,
explique S. Bonaventure, " non pour accroître la Gloire, mais pour
manifester et communiquer cette gloire " (sent. 2, 1, 2, 2, 1). Car
Dieu n’a pas d’autre raison pour créer que son amour et sa bonté :
" C’est la clef de l’amour qui a ouvert sa main pour produire les
créatures " (S. Thomas d’A., sent. 2, prol.) Et le premier Concile
du Vatican explique :
Dans sa bonté et par sa force toute-puissante, non pour augmenter
sa béatitude, ni pour acquérir sa perfection, mais pour la manifester par les
biens qu’il accorde à ses créatures, ce seul vrai Dieu a, dans le plus libre
dessein, tout ensemble, dès le commencement du temps, créé de rien l’une et
l’autre créature, la spirituelle et la corporelle (DS 3002).
294
La gloire de Dieu
c’est que se réalise cette manifestation et cette communication de sa bonté
en vue desquelles le monde a été créé. Faire de nous " des fils
adoptifs par Jésus-Christ : tel fut le dessein bienveillant de Sa
volonté à la louange de gloire de sa grâce" (Éphésiens 1,
5-6) : " Car la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la
vie de l’homme, c’est la vision de Dieu : si déjà la révélation de Dieu
par la création procura la vie à tous les êtres qui vivent sur la terre,
combien plus la manifestation du Père par le Verbe procure-t-elle la vie à
ceux qui voient Dieu " (S. Irénée, hær. 4, 20, 7). La fin ultime de
la création, c’est que Dieu, "qui est le Créateur de tous les êtres, devienne
enfin ‘tout en tous’ (1Corinthiens 15, 28), en procurant à la fois sa gloire
et notre béatitude" (Ad gentes 2).
IV. Le mystère
de la création
Dieu crée par sagesse et par amour
295
Nous croyons que Dieu
a créé le monde selon sa sagesse (cf. Sg 9, 9). Il n’est pas le produit d’une
nécessité quelconque, d’un destin aveugle ou du hasard. Nous croyons qu’il
procède de la volonté libre de Dieu qui a voulu faire participer les
créatures à son être, sa sagesse et sa bonté : " Car c’est toi
qui créas toutes choses ; tu as voulu qu’elles soient, et elles furent
créées " (Ap 4, 11). " Que tes œuvres sont nombreuses,
Seigneur ! Toutes avec sagesse tu les fis " (Ps 104, 24).
" Le Seigneur est bonté envers tous, ses tendresses vont à toutes
ses œuvres " (Ps 145, 9).
Dieu crée "de rien"
296
Nous croyons que Dieu
n’a besoin de rien de préexistant ni d’aucune aide pour créer (cf. Cc.
Vatican I : DS 3022). La création n’est pas non plus une émanation
nécessaire de la substance divine (cf. Cc. Vatican I : DS 3023-3024).
Dieu crée librement " de rien " (DS 800 ;
3025) :
Quoi d’extraordinaire si Dieu avait tiré le monde d’une matière
préexistante ? Un artisan humain, quand on lui donne un matériau, en
fait tout ce qu’il veut. Tandis que la puissance de Dieu se montre
précisément quand il part du néant pour faire tout ce qu’il veut (S.
Théophile d’Antioche, Autol. 2, 4 : PG 6, 1052).
297
La foi en la création
"de rien" est attestée dans l’Écriture comme une vérité pleine de
promesse et d’espérance. Ainsi la mère des sept fils les encourage au
martyre :
Je ne sais comment vous êtes apparus dans mes entrailles ;
ce n’est pas moi qui vous ai gratifiés de l’esprit et de la vie ; ce
n’est pas moi qui ai organisé les éléments qui composent chacun de vous.
Aussi bien le Créateur du monde, qui a formé le genre humain et qui est à
l’origine de toute chose, vous rendra-t-il, dans sa miséricorde, et l’esprit
et la vie, parce que vous vous méprisez maintenant vous-mêmes pour l’amour de
ses lois (...). Mon enfant, regarde le ciel et la terre et vois tout ce qui
est en eux, et sache que Dieu les a faits de rien et que la race des hommes
est faite de la même manière (2 M 7, 22-23. 28).
298
Puisque Dieu peut
créer de rien, il peut, par l’Esprit Saint, donner la vie de l’âme à des
pécheurs en créant en eux un cœur pur (cf. Ps 51, 12), et la vie du corps aux
défunts par la Résurrection, Lui " qui donne la vie aux morts et
appelle le néant à l’existence " (Romains 4, 17). Et puisque, par
sa Parole, il a pu faire resplendir la lumière des ténèbres (cf. Genèse 1,
3), il peut aussi donner la lumière de la foi à ceux qui l’ignorent (cf.
2Corinthiens 4, 6).
Dieu crée un
monde ordonné et bon
299
Puisque Dieu crée avec
sagesse, la création est ordonnée : "Tu as tout disposé avec
mesure, nombre et poids" (Sagesse 11, 20). Créée dans et par le Verbe
éternel, "image du Dieu invisible" (Col 1, 15), elle est destinée,
adressée à l’homme, image de Dieu (cf. Genèse 1, 26), appelé à une relation
personnelle avec Dieu. Notre intelligence, participant à la lumière de
l’Intellect divin, peut entendre ce que Dieu nous dit par sa création (cf.
Psaume 19, 2-5), certes non sans grand effort et dans un esprit d’humilité et
de respect devant le Créateur et son œuvre (cf. Jb 42, 3). Issue de la bonté
divine, la création participe à cette bonté ("Et Dieu vit que cela était
bon (...) très bon" : Genèse 1, 4. 10. 12. 18. 21. 31). Car la
création est voulue par Dieu comme un don adressé à l’homme, comme un
héritage qui lui est destiné et confié . L’Église a dû, à maintes reprises,
défendre la bonté de la création, y compris du monde matériel (cf. DS
286 ; 455-463 ; 800 ; 1333 ; 3002).
Dieu transcende la création et lui est
présent
300
Dieu est infiniment
plus grand que toutes ses œuvres (cf. Si 43, 28) : " Sa
majesté est plus haute que les cieux " (Psaume 8, 2), " à
sa grandeur point de mesure " (Psaume 145, 3). Mais parce qu’Il est
le Créateur souverain et libre, cause première de tout ce qui existe, Il est
présent au plus intime de ses créatures : " En Lui nous avons
la vie, le mouvement et l’être " (Ac 17, 28). Selon les paroles de
S. Augustin, Il est " plus haut que le plus haut de moi, plus
intime que le plus intime " (Conf. 3, 6, 11).
Dieu maintient
et porte la création
301
Avec la création, Dieu
n’abandonne pas sa créature à elle-même. Il ne lui donne pas seulement d’être
et d’exister, il la maintient à chaque instant dans l’être, lui donne d’agir
et la porte à son terme. Reconnaître cette dépendance complète par rapport au
Créateur est une source de sagesse et de liberté, de joie et de
confiance : Oui, tu aimes tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour
rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne
l’aurais pas formé. Et comment une chose aurait-elle subsisté, si tu ne
l’avais voulue ? Ou comment ce que tu n’aurais pas appelé aurait-il été
conservé ? Mais tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître ami
de la vie (Sagesse 11, 24-26).
V. Dieu réalise
son dessein : la divine providence
302
La création a sa bonté et sa perfection propres, mais elle n’est pas sortie
tout achevée des mains du Créateur. Elle est créée dans un état de
cheminement (" in statu viæ ") vers une perfection ultime
encore à atteindre, à laquelle Dieu l’a destinée. Nous appelons divine
providence les dispositions par lesquelles Dieu conduit sa création vers
cette perfection :
Dieu garde et gouverne par sa providence tout ce qu’Il a créé,
"atteignant avec force d’une extrémité à l’autre et disposant tout avec
douceur" (Sagesse 8, 1). Car " toutes choses sont à nu et à
découvert devant ses yeux " (Hébreux 4, 13), même celles que
l’action libre des créatures produira (Cc. Vatican I : DS 3003).
303
Le témoignage de
l’Écriture est unanime : la sollicitude de la divine providence est concrète
et immédiate, elle prend soin de tout, des moindres petites choses
jusqu’aux grands événements du monde et de l’histoire. Avec force, les livres
saints affirment la souveraineté absolue de Dieu dans le cours des
événements : " Notre Dieu, au ciel et sur la terre, tout ce qui
lui plaît, Il le fait " (Psaume 115, 3) ; et du Christ il est
dit : " S’Il ouvre, nul ne fermera, et s’Il ferme, nul
n’ouvrira " (Ap 3, 7) ; " Il y a beaucoup de pensées
dans le cœur de l’homme, seul le dessein de Dieu se réalisera " (Pr
19, 21).
304
Ainsi voit-on l’Esprit
Saint, auteur principal de l’Écriture Sainte, attribuer souvent des actions à
Dieu, sans mentionner des causes secondes. Ce n’est pas là "une façon de
parler" primitive, mais une manière profonde de rappeler la primauté de
Dieu et sa Seigneurie absolue sur l’histoire et le monde (cf. Isaïe 10,
5-15 ; 45, 5-7 ; Deutéronome 32, 39 ; Siracide 11, 14) et
d’éduquer ainsi à la confiance en Lui. La prière des Psaumes est la grande
école de cette confiance (cf. Psaumes 22 ; 32 ; 35 ;
103 ; 138 ; e.a.).
305
Jésus demande un
abandon filial à la providence du Père céleste qui prend soin des moindres
besoins de sens enfants : " Ne vous inquiétez donc pas en
disant : qu’allons-nous manger ? qu’allons-nous boire ? (...)
Votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela. Cherchez d’abord
son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par
surcroît " (Matthieu 6, 31-33 ; cf. 10, 29-31).
La providence et les causes secondes
306
Dieu est le Maître
souverain de son dessein. Mais pour sa réalisation, Il se sert aussi du
concours des créatures. Ceci n’est pas un signe de faiblesse, mais de la
grandeur et de la bonté du Dieu Tout-puissant. Car Dieu ne donne pas
seulement à ses créatures d’exister, il leur donne aussi la dignité d’agir
elles-mêmes, d’être causes et principes les unes des autres et de coopérer
ainsi à l’accomplissement de son dessein.
307
Aux hommes, Dieu
accorde même de pouvoir participer librement à sa providence en leur confiant
la responsabilité de " soumettre " la terre et de la
dominer (cf. Genèse 1, 26-28). Dieu donne ainsi aux hommes d’être causes
intelligentes et libres pour compléter l’œuvre de la Création, en parfaire
l’harmonie pour leur bien et celui de leur prochains. Coopérateurs souvent
inconscients de la volonté divine, les hommes peuvent entrer délibérément
dans le plan divin, par leurs actions, par leurs prières, mais aussi par
leurs souffrances (cf. Colossiens 1, 24). Ils deviennent alors pleinement
"collaborateurs de Dieu" (1Corinthiens 3, 9 ; 1Thessaloniciens
3, 2) et de son Royaume (cf. Colossiens 4, 11).
308
C’est une vérité
inséparable de la foi en Dieu le Créateur : Dieu agit en tout agir de
ses créatures. Il est la cause première qui opère dans et par les causes
secondes : " Car c’est Dieu qui opère en nous à la fois le
vouloir et l’opération même, au profit de ses bienveillants
desseins " (Ph 2, 13 ; cf. 1 Co 12, 6). Loin de diminuer la
dignité de la créature, cette vérité la rehausse. Tirée du néant par la
puissance, la sagesse et la bonté de Dieu, elle ne peut rien si elle est
coupée de son origine, car " la créature sans le Créateur
s’évanouit " (GS 36, § 3) ; encore moins peut-elle atteindre
sa fin ultime sans l’aide de la grâce (cf. Matthieu 19, 26 ; Jn 15,
5 ; Ph 4, 13).
La providence et le scandale du mal
309
Si Dieu le Père
Tout-puissant, Créateur du monde ordonné et bon, prend soin de toutes ses
créatures, pourquoi le mal existe-t-il ? À cette question aussi
pressante qu’inévitable, aussi douloureuse que mystérieuse, aucune réponse
rapide ne saura suffire. C’est l’ensemble de la foi chrétienne qui constitue
la réponse à cette question : la bonté de la création, le drame du
péché, l’amour patient de Dieu qui vient au devant de l’homme par ses
alliances, par l’Incarnation rédemptrice de son Fils, par le don de l’Esprit,
par le rassemblement de l’Église, par la force des sacrements, par l’appel à
une vie bienheureuse à laquelle les créatures libres sont invitées d’avance à
consentir, mais à laquelle elles peuvent aussi d’avance, par un mystère
terrible, se dérober. Il n’y a pas un trait du message chrétien qui ne
soit pour une part une réponse à la question du mal.
310
Mais pourquoi Dieu
n’a-t-il pas créé un monde aussi parfait qu’aucun mal ne puisse y
exister ? Selon sa puissance infinie, Dieu pourrait toujours créer
quelque chose de meilleur (cf. S. Thomas d’A., s. th. 1, 25, 6). Cependant
dans sa sagesse et sa bonté infinies, Dieu a voulu librement créer un monde
" en état de voie " vers sa perfection ultime. Ce devenir
comporte, dans le dessein de Dieu, avec l’apparition de certains êtres, la
disparition d’autres, avec le plus parfait aussi le moins parfait, avec les
constructions de la nature aussi les destructions. Avec le bien physique
existe donc aussi le mal physique, aussi longtemps que la création n’a
pas atteint sa perfection (cf. S. Thomas d’A., s. gent. 3, 71).
311
Les anges et les
hommes, créatures intelligentes et libres, doivent cheminer vers leur
destinée ultime par choix libre et amour de préférence. Ils peuvent donc se
dévoyer. En fait, ils ont péché. C’est ainsi que le mal moral est
entré dans le monde, sans commune mesure plus grave que le mal physique. Dieu
n’est en aucune façon, ni directement ni indirectement, la cause du mal moral
(cf. S. Augustin, lib. 1, 1, 1 : PL 32, 1221-1223 ; S. Thomas d’A.,
s. th. 1-2, 79, 1). Il le permet cependant, respectant la liberté de sa
créature, et, mystérieusement, il sait en tirer le bien :
Car le Dieu Tout-puissant (...), puisqu’il est souverainement
bon, ne laisserait jamais un mal quelconque exister dans ses œuvres s’il
n’était assez puissant et bon pour faire sortir le bien du mal lui-même (S.
Augustin, enchir. 11, 3).
312
Ainsi, avec le temps,
on peut découvrir que Dieu, dans sa providence toute-puissante, peut tirer un
bien des conséquences d’un mal, même moral, causé par ses créatures :
" Ce n’est pas vous, dit Joseph à ses frères, qui m’avez envoyé
ici, c’est Dieu ; (...) le mal que vous aviez dessein de me faire, le
dessein de Dieu l’a tourné en bien afin de (...) sauver la vie d’un peuple
nombreux " (Genèse 45, 8 ; 50, 20 ; cf. Tb 2, 12-18
vulg.). Du mal moral le plus grand qui ait jamais été commis, le rejet et le
meurtre du Fils de Dieu, causé par les péchés de tous les hommes, Dieu, par
la surabondance de sa grâce (cf. Romains 5, 20), a tiré le plus grand des
biens : la glorification du Christ et notre Rédemption. Le mal n’en
devient pas pour autant un bien.
313
"Tout concourt au
bien de ceux qui aiment Dieu" (Romains 8, 28). Le témoignage des saints
ne cesse de confirmer cette vérité :
Ainsi, S. Catherine de Sienne dit à " ceux qui se
scandalisent et se révoltent de ce qui leur arrive " :
" Tout procède de l’amour, tout est ordonné au salut de l’homme,
Dieu ne fait rien que dans ce but " (dial. 4, 138).
Et saint Thomas More, peu avant son martyre, console sa
fille : "Rien ne peut arriver que Dieu ne l’ait voulu. Or, tout ce
qu’il veut, si mauvais que cela puisse nous paraître, est cependant ce qu’il
y a de meilleur pour nous" (Margarita Roper, Epistula ad Aliciam
Alington (mense augusti 1534).
Et Lady Julian of Norwich : " J’appris donc, par
la grâce de Dieu, qu’il fallait m’en tenir fermement à la foi, et croire avec
non moins de fermeté que toutes choses seront bonnes... Et
tu verras que toutes choses seront bonnes ". " Thou
shalt see thyself that all MANNER of thing shall be well "
(rev. 13, 32).
314
Nous croyons fermement
que Dieu est le Maître du monde et de l’histoire. Mais les chemins de sa
providence nous sont souvent inconnus. Ce n’est qu’au terme, lorsque prendra fin
notre connaissance partielle, lorsque nous verrons Dieu " face à
face " (1 Co 13, 12), que les voies nous seront pleinement connues,
par lesquelles, même à travers les drames du mal et du péché, Dieu aura
conduit sa création jusqu’au repos de ce Sabbat (cf. Genèse 2, 2)
définitif, en vue duquel Il a créé le ciel et la terre.
En bref
315
Dans la création du monde et de l’homme, Dieu a posé le premier et universel
témoignage de son amour tout-puissant et de sa sagesse, la première annonce
de son " dessein bienveillant " qui trouve sa fin dans la
nouvelle création dans le Christ.
316
Bien que l’œuvre de la création soit particulièrement attribuée au Père,
c’est également vérité de foi que le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont
l’unique et indivisible principe de la création.
317
Dieu seul a créé l’univers librement, directement, sans aucune aide.
318
Aucune créature n’a le pouvoir infini qui est nécessaire pour
" créer " au sens propre du mot, c’est-à-dire de produire
et de donner l’être à ce qui ne l’avait aucunement (appeler à l’existence ex
nihilo) (cf. DS 3624).
319
Dieu a créé le monde pour manifester et pour communiquer sa gloire. Que ses
créatures aient part à Sa vérité, à Sa bonté et à Sa beauté, voilà la gloire
pour laquelle Dieu les a créées.
320
Dieu qui a créé l’univers le maintient dans l’existence par son Verbe,
" ce Fils qui soutient l’univers par sa parole
puissante " (He 1, 3) et par son Esprit Créateur qui donne la vie.
321
La divine Providence, ce sont les dispositions par lesquelles Dieu conduit
avec sagesse et amour toutes les créatures jusqu’à leur fin ultime.
322
Le Christ nous invite à l’abandon filial à la Providence de notre Père
céleste (cf. Matthieu 6, 26-34), et l’apôtre S. Pierre reprend :
" De toute votre inquiétude, déchargez-vous sur lui, car il prend
soin de vous " (1 P 5, 7 ; cf. Psaume 55, 23).
323
La providence divine agit aussi par l’agir des créatures. Aux êtres humains,
Dieu donne de coopérer librement à ses desseins.
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