Le lundi 20 mai 1946.
47> 439.1 - La
Vierge est très fatiguée quand elle remet les pieds dans sa maison. Mais elle
est très heureuse et elle cherche tout de suite son Jésus qui travaille
encore, aux dernières clartés du jour qui meurt ; à la porte du four
qu'il est en train de remettre en place. C'est Simon qui lui a ouvert et qui,
après l'avoir saluée, se retire prudemment dans l'atelier. Thomas, je ne le
vois pas. Peut-être est-t-il sorti.
Jésus pose ses outils dès qu'il voit sa Mère et il va vers elle tout en se
nettoyant les mains graisseuses (il était en train d’huiler des gonds et des
verrous) à son tablier de travail. Leur sourire réciproque semble éclairer le
jardin où descend la lune.
Haut de page.
48> "Paix à-toi, Maman."
"Paix à Toi, Fils."
"Comme tu es fatiguée ! Tu ne t'es pas reposée..."
"D'une aube au crépuscule dans la maison de Joseph... Mais sans ces
grandes chaleurs, je serais repartie tout de suite pour te dire qu'Aurea est
à Toi."
"Oui ?!"
Le visage de Jésus rajeunit même dans la surprise joyeuse. On dirait un
visage d'un peu plus de vingt ans et, dans sa joie, perdant la gravité dont
son visage et ses actes sont généralement empreints, il arrive à ressembler
encore plus à la Mère toujours si sereinement enfant dans ses gestes et son
allure.
"Oui, Jésus. Et je l'ai obtenue sans aucune difficulté. La dame a
consenti tout de suite. Elle s'est émue, en reconnaissant qu'elle, et avec
elle ses amies, sont trop corrompues pour élever une créature à Dieu. Un aveu
si humble, si franc, si vrai ! On ne trouve pas facilement des gens qui
reconnaissent leurs défauts sans y être forcés."
"Oui, ce n'est pas facile. Beaucoup en Israël ne savent pas le faire. Ce
sont de belles âmes ensevelies sous une croûte d'ordure. Mais quand l'ordure
tombera..."
"Cela arrivera-t-il, Fils ?"
"J'en suis sûr. Elles tendent instinctivement au Bien. Elles finiront
par y adhérer. Que t'a-t-elle dit ?"
"Oh ! quelques mots... Nous nous sommes tout de suite entendues,
439.2 - mais il sera bien d'avoir tout de
suite Aurea. Je veux le lui dire personnellement, si tu veux, mon Fils."
"Oui, Maman, nous allons envoyer Simon" et il appelle à haute voix
le Zélote qui vient tout de suite.
"Simon, va chez Simon d'Alphée et dis que ma Mère est de retour, puis
viens avec la fillette et avec Thomas qui est certainement là pour finir le
petit travail que Salomé lui a demandé."
Simon s'incline et y va de suite.
"Raconte-moi, Maman... Ton voyage... ton entretien... Pauvre Maman,
comme tu es fatiguée à cause de Moi !"
"Oh ! non, Jésus ! Il n'y a pas de fatigue quand tu es
heureux..." et Marie raconte son voyage et les frayeurs de Marie
d'Alphée, le séjour dans la maison du batelier, l'entrevue avec Valeria et
elle finit en disant :
Haut de page.
49> "J'ai préféré la voir à cette heure puisque le
Ciel le permettait. Elle était plus libre, moi aussi, et Marie de Cléophas
était plus vite consolée, parce que d'être deux femmes dans Tibériade, elle
en avait une terreur que seul son amour pour Toi, la pensée de te servir,
pouvait surmonter..."
Et Marie sourit en rappelant les angoisses de sa belle-sœur...
Et Jésus sourit en disant :
"La malheureuse ! C'est la vraie femme d'Israël, l'antique femme,
réservée, toute à son foyer, la femme forte selon
les Proverbes. Mais, dans la nouvelle Religion, la femme ne sera pas forte
seulement à la maison... Il y en aura beaucoup qui surpasseront Judith et Jahel, parce que héroïques en elles-mêmes, avec l'héroïsme de
la mère des Macchabées... Et elle le sera aussi notre Marie. Mais pour le
moment... elle est encore ainsi...
439.3 - As-tu vu Jeanne ?"
Marie ne sourit plus. Peut-être craint-elle une question à propos de Judas.
Et elle répond vite :
"Je n'ai pas voulu imposer de nouvelles angoisses à Marie. Nous nous
sommes enfermées dans la maison jusqu'au milieu de l'après-midi pour nous
reposer, et puis nous sommes parties... J'ai pensé que nous la verrons
bientôt, sur le lac..."
"Tu as bien fait. Tu m'as donné la preuve des sentiments des romaines
envers Moi. Si Jeanne était intervenue, on aurait pu penser qu'elle cédait à
l'amie. Maintenant nous allons attendre jusqu'au sabbat, et si Myrta ne vient
pas nous y irons-nous avec Aurea."
"Fils, je voudrais rester..."
"Tu es très fatiguée, je le vois."
"Non, ce n'est pas pour cela... Je pense que Judas pourrait venir ici...
Comme il est bien qu'à Capharnaüm il y ait toujours quelqu'un qui l'attende
pour l'accueillir en ami, il est bien aussi qu'il y ait quelqu'un ici pour
l'accueillir avec amour."
"Merci, Maman. Toi seule comprend ce qui peut encore le sauver..."
Ils soupirent, l'un et l'autre, sur le disciple qui leur donne de la
douleur...
Haut de page.
50> 439.4 - Simon et Thomas rentrent avec Aurea
qui court vers Marie. Jésus la laisse avec la Mère pour aller à la maison
avec les apôtres.
"Tu as beaucoup prié, fille, et le bon Dieu t'a entendue..." dit
Marie pour commencer.
Mais la fillette l'interrompt par un cri de joie :
"Je reste avec toi !"
Et elle lui jette les bras autour du cou en lui donnant un baiser.
Marie lui rend son baiser et, la tenant toujours dans ses bras, elle lui
dit :
"Quand quelqu'un fait une grande faveur, il faut le lui rendre, n'est-ce
pas ?"
"Oh ! oui ! Et je te le rendrai avec tant d'amour."
"Oui, fille. Mais au-dessus de moi, il y a Dieu. C'est Lui qui t'a fait
cette grande faveur, cette grâce sans mesure de t'accueillir parmi les
membres de son peuple, de te faire disciple du Maître Sauveur. Moi, je n'ai été que l'instrument de la
grâce, mais la grâce, c'est Lui, le Très-Haut qui te l'a accordée.
Que donneras-tu donc au Très-Haut pour Lui dire que tu le
remercie ?"
"Mais... je ne sais pas... Dis-le-moi, toi, ô Mère..."
"De l'amour, c'est certain. Mais l’amour, pour être vraiment tel, doit
être uni au sacrifice, car si une chose coûte, elle a plus de valeur,
n'est-ce pas ?"
"Oui, Mère."
"Voilà, alors je dirais que toi, avec la même joie qui t'a fait
crier : "Je reste avec toi !" tu devrais crier :
"Oui, ô Seigneur" quand moi, sa pauvre servante, je te dirai la
volonté du Seigneur sur toi."
"Dis-la-moi, Mère" dit Aurea, non sans que son visage prenne un air
sérieux.
"La volonté de Dieu te confie à deux bonnes mères, à Noémie et à
Myrta..."
La fillette a deux grosses larmes qui luisent dans ses yeux clairs et roulent
ensuite sur son petit visage rose.
"Elles sont bonnes, elles sont chères à Jésus et à moi. À l'une, Jésus a
sauvé son fils, à l'autre, je lui l'ai allaité. Et tu as vu qu'elles sont
bonnes..."
"Oui... mais moi, j'espérais rester avec toi..."
Haut de page.
51> 439.5 - "Fille,
on ne peut pas tout avoir ! Tu vois que moi aussi, je ne reste pas avec
mon Jésus. Je vous le donne et je reste loin, si loin de Lui, pendant que Lui
s'en va à travers la Palestine pour prêcher, guérir et sauver les
fillettes..."
"C'est vrai..."
"Si je l'avais voulu pour moi seule, tu
n'aurais pas été sauvée... Si je l'avais voulu pour moi seule, vos âmes ne
seraient pas sauvées. Réfléchis combien grand est mon sacrifice. Je vous
donne un Fils pour qu'il soit immolé pour vos âmes. Du reste toi et moi, nous
serons toujours unies car les disciples restent et resteront toujours unies
autour du Christ, en formant une grande famille unie par l'amour pour
Lui."
"C'est vrai. Et puis... je viendrai encore ici, n'est-ce pas ? Et
nous nous verrons encore ?"
"Certainement, tant que Dieu le voudra."
"Et tu prieras toujours pour moi..."
"Et je prierai toujours pour toi."
"Et quand nous serons ensemble, tu m'instruiras encore ?"
"Oui, ma fille..."
"Ah ! moi, je voulais devenir comme toi ! Le pourrais-je
jamais ? Savoir, pour être bonne..."
"Noémie est mère d'un chef de synagogue qui est disciple du Seigneur,
Myrta d'un bon fils qui a mérité la grâce du miracle et qui est un bon
disciple. Et les deux femmes sont bonnes et sages en plus que pleines
d'amour."
"Tu me l'assures ?"
"Oui, ma fille."
"Alors... bénis-moi, et que soit faite la volonté du Seigneur... comme
dit la prière de Jésus. Je l'ai dite tant de fois... Il est juste que
maintenant je fasse ce que j'ai dit pour obtenir de ne plus aller chez les
romains..."
|